Un monde fracturé

Selon un sondage réalisé dans vingt pays, un mur d’incompréhension sépare désormais les États-Unis et le reste de la planète, tout particulièrement l’espace arabo-musulman.

Publié le 12 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

Institut indépendant basé à Washington, le Pew Research Center a rendu publique, le 4 juin, une étude d’opinion aussi vaste – 300 pages – que planétaire – 54 000 personnes interrogées dans 44 pays. Piloté par l’ancienne secrétaire d’État de Bill Clinton, Madeleine Albright, ce projet regroupait deux catégories de sondages. La première, réalisée en 2002, concerne les grandes mutations contemporaines. La seconde, dont les résultats sont commentés ci-après, est beaucoup plus récente (fin avril-début mai 2003, 16 000 personnes interrogées dans vingt pays) et porte à la fois sur l’image des États-Unis dans le monde et sur la cote de confiance d’un certain nombre de personnalités d’envergure internationale. La fracture entre l’unique superpuissance et le reste de la planète, tout particulièrement l’espace arabo-musulman, y apparaît de façon évidente. Nul doute ainsi que la popularité d’un Oussama Ben Laden au Maroc, en Palestine, en Jordanie, en Indonésie ou au Pakistan devrait faire réfléchir Washington et inquiéter les classes dirigeantes des pays concernés. Tout comme le fait que, dans leur grande majorité, les ressortissants de ces mêmes pays ne croient pas qu’Israël et la Palestine puissent un jour coexister.
Moins spectaculaire, la partie généraliste (2002) de cette enquête n’en est pas moins intéressante, ne serait-ce que parce qu’elle concerne aussi l’Afrique subsaharienne, traditionnellement négligée par les instituts de sondage. En attendant d’y revenir en détail dans une prochaine édition de J.A.I., quelques tendances méritent d’être relevées. Côté optimisme, on notera le très fort attachement relevé dans la dizaine de pays africains étudiés (dont le Sénégal, le Mali et la Côte d’Ivoire) à la démocratie, aux élections libres et à la tolérance religieuse. À l’exception, intéressante, de l’Afrique du Sud, la grande majorité des sondés préfère un gouvernement démocratique à un leader fort. Enfin, hormis, une nouvelle fois, l’Afrique du Sud – mais aussi le Mali -, tous privilégient les libertés sur l’économie, fût-elle défaillante. Côté pessimisme, l’état des lieux est parfois accablant. La majorité des sondés, dans la totalité des pays africains concernés, estime ne jouir ni d’une justice indépendante, ni d’une presse libre, ni d’élections honnêtes, et la plupart pensent que, chez eux, les civils ne contrôlent pas l’armée. Par ailleurs, le sentiment que leur situation matérielle a empiré ces cinq dernières années prédomine largement. Conséquences obligées de ce catalogue contrasté, où prédomine le négatif : un assez grand fatalisme – les Africains ont l’impression nette que leur destin se décide ailleurs que sur le continent – et une forte tendance à se reposer sur l’aide extérieure – le FMI et la Banque mondiale ont ainsi une bonne image, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Cette crise morale s’accompagne d’un corollaire inquiétant : la montée de la xénophobie et de l’exclusion ; 76 % des Ivoiriens, 67 % des Sud-Africains et 57 % des Maliens se déclarent ainsi favorables à une restriction de l’immigration. Et l’Afrique est le continent au monde le plus opposé à l’homosexualité – en même temps qu’il est celui où Dieu tient le plus de place dans la vie des sondés…

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