Un coin de ciel bleu dans la grisaille

Alors que les flux d’investissements mondiaux ont été divisés par trois en trois ans, le pays en recueille toujours davantage.

Publié le 11 juin 2003 Lecture : 4 minutes.

La Tunisie bénéficierait-elle d’un microclimat ? Alors que les investissements réalisés à l’échelle mondiale sont passés de 1 500 milliards de dollars (1 274 milliards d’euros) en 2000 à 534 milliards de dollars en 2002, ils ont dans le même temps progressé de 7,3 % en Tunisie, totalisant 7,57 milliards de dinars tunisiens (5,1 milliards d’euros) l’année dernière. Sur la lancée, les autorités tablent sur une nouvelle augmentation de 3,2 % pour 2003, à 7,83 milliards de DT.
Le ministère du Développement et de la Coopération internationale sait le moment propice pour mieux faire connaître les opportunités offertes aux différents opérateurs économiques. La cinquième édition du Forum de Carthage, qui se tiendra du 19 au 21 juin, sera pour lui l’occasion de faire valoir la « vigueur » de la Tunisie : solde budgétaire ramené à – 2,6 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2001 (contre – 3,3 % en 2000), croissance continue du Produit national brut (PNB) par habitant depuis 2000, et croissance du Produit intérieur brut (PIB) prévue à 5,5 % pour 2003. Autant d’indicateurs à même d’attirer les investisseurs. De fait, l’examen du montant des investissements directs étrangers (IDE) collectés en 2002 confirme l’attrait suscité par la Tunisie. Un record a même été établi avec un total de 1,2 milliard de DT, soit 61 % de plus qu’en 2001. Faute d’opérations de privatisations significatives, le pays n’avait alors récolté que 718 millions de DT.
Cette bonne performance est le fruit d’une politique d’ouverture entamée en 1987. Jouant de sa proximité avec ce grand marché qu’est l’Europe, la Tunisie confirme depuis, année après année, sa vocation de terre d’accueil pour des entreprises occidentales cherchant à délocaliser ou, plus simplement, à sous-traiter leur production. « Les autorités ont su créer un cadre propice au financement, dans un climat de stabilité politique et social largement apprécié des décideurs économiques », observe Abdessalem Mansour, directeur général de la Fipa (Foreign Investment Promotion Agency/Agence de promotion de l’investissement extérieur). Qu’est-ce que ce cadre « propice » ? Une main-d’oeuvre abondante et bon marché, des procédures administratives simplifiées, une législation favorable aux opérateurs privés, des infrastructures fonctionnelles et en constante amélioration et, enfin, un accès facile et rapide aux débouchés européens.
Autant d’atouts qui ont favorisé, par exemple, le développement d’une industrie manufacturière, d’abord autour de filières traditionnelles (textile, cuir et chaussure), ensuite vers des secteurs à plus forte technicité (industries mécaniques et électriques, composants automobiles), puis, plus récemment, vers les nouvelles technologies. Plus généralement, les chiffres communiqués par la Banque centrale de Tunisie montrent que, grâce aux télécoms, au tourisme et à l’expansion du télémarketing et autres call centers, le secteur des services a absorbé à lui seul 38 % des IDE, devant la branche énergie (36 %) et les industries manufacturières (21 %).
Le classement 2002 des pays émetteurs d’IDE en Tunisie a réservé quelques surprises, bouleversant le traditionnel tiercé France/Italie/Grande-Bretagne. Cette dernière s’est hissée à la première place (364 millions de DT) grâce à des investissements importants dans le secteur gazier. Deuxième : le Koweït (184 millions de DT), à la suite d’investissements tout aussi exceptionnels pour l’exploitation d’une licence de téléphonie mobile (la seconde du pays). Les engagements français, troisièmes (176 millions de DT), se sont portés pour plus de la moitié sur le secteur des services (banque et téléphonie). L’Italie et l’Allemagne (avec respectivement 86 millions et 61,5 millions de DT) ont quant à elles confirmé leur intérêt pour les industries manufacturières, alors que l’Espagne monte en puissance (26 millions de DT en 2002, contre 13 millions en 2001), surtout dans les secteurs agricole et touristique. Au total, les pays de l’Union européenne (UE) totalisent les deux tiers des flux d’investissements étrangers. Le dernier tiers provient pour l’essentiel des États-Unis (8,3 %, consacrés à l’énergie) et surtout des pays arabes (près de 19 %, contre 13,5 % en 2001). « Nous comptons près de 200 entreprises arabes aujourd’hui, mais implantées dans des secteurs que nous ne jugeons pas prioritaires », constate Abdessalem Mansour. Les activités commerciales qui recueillent leurs faveurs sont en effet peu créatrices d’emplois et génèrent peu d’exportations à forte valeur ajoutée pour le pays.
L’autre motif de satisfaction des autorités tunisiennes tient à la plus grande implication du secteur privé, qui a représenté 55 % des investissements en 2002 (4,2 milliards de DT), soit l’objectif fixé par le IXe plan quinquennal (1997-2001). Le Xe plan (2002-2006) prévoit de porter cette participation à 58,5 %. Sur cinq ans, le volume total des investissements devrait atteindre 47,2 milliards de DT (contre 31,5 milliards pour le IXe plan), dont 27,5 milliards pour l’État. Afin de donner un coup de pouce au privé, ce Xe plan accorde une attention particulière au développement des infrastructures du pays (ports, aéroports, routes) et de 18 nouvelles zones industrielles. La plupart des opérateurs étrangers présents en Tunisie – toutes filières confondues – se plaignant un peu du manque de postes intermédiaires (techniciens et techniciens supérieurs), il s’attachera par ailleurs à développer la formation professionnelle. Ce qui devrait permettre au gouvernement de donner du travail à ses diplômés du supérieur. Chaque année, 46 000 d’entre eux se présentent sur le marché de l’emploi, mais ne disposent pas forcément du bagage dont les opérateurs ont besoin. D’où l’intérêt pour l’État de voir arriver sur le territoire des industries à forte technicité (composants automobiles, informatiques…).
L’horizon économique semble donc bien dégagé. Le Fonds monétaire international (FMI), qui a pu vérifier la bonne santé du pays à l’occasion d’une mission début mai (voir J.A.I n° 2211), a toutefois demandé à ses dirigeants de poursuivre leur politique d’ouverture pour renforcer l’investissement. Dans la mire de l’institution, une réforme du secteur financier qui se fait attendre. Les observateurs internationaux espèrent également une mutation des cadres politique et judiciaire capable d’accompagner l’évolution économique et de conforter l’image globalement positive dont bénéficie le pays auprès des décideurs occidentaux. « Les problèmes d’État de droit pourraient à la longue assombrir le tableau », estime un spécialiste étranger. L’opacité de la justice, caractérisée, selon le même observateur, « par des procédures décourageantes » et l’absence de « propriété intellectuelle et de tribunaux de commerce », pourrait à terme freiner l’élan des investisseurs.

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