Mahamadou Issoufou « Le chef de l’État s’est approprié le pays »
Ancien Premier ministre du Niger Faut-il lui donner du « Monsieur le Premier ministre » ? Ou le gratifier d’un « Monsieur le Président » ? Mahamadou Issoufou, qui occupa, tour à tour, au début des années quatre-vingt-dix, les fonctions de chef de gouvernement et de président de l’Assemblée nationale du Niger, avoue avoir un faible pour la primature, où « le travail est formateur, plus passionnant et plus riche ». Ce sera donc « Monsieur le Premier ministre ».
Mathématicien, ingénieur formé à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, en France, ancien responsable de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr), qui exploite l’uranium d’Arlit, dans le nord nigérien, ce solide gaillard de 51 ans a participé, le 28 mai, à notre conférence de rédaction. Pour, explique-t-il, « faire la connaissance » de Béchir Ben Yahmed, le patron de Jeune Afrique/l’intelligent, qu’il lit depuis plusieurs décennies « de la première à la dernière page ». Mais, sans doute aussi – les municipales d’octobre 2003 et la présidentielle de novembre 2004 ne sont pas loin – pour évoquer l’actualité politique au Niger.
Lors du dernier scrutin présidentiel, à la fin de 1999, Issoufou, qui défendait principalement les couleurs de son parti, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarrayya), s’était retrouvé, au tour ultime, face à Mamadou Tandja, lequel l’avait finalement emporté. « Mon adversaire ayant été élu en toute transparence, j’ai aussitôt reconnu sa victoire et je lui ai souhaité bonne chance. Il fallait, de toute manière, éviter de donner à l’armée un prétexte pour intervenir de nouveau dans le débat politique. Mais, quatre ans après, je constate que si l’opposition s’abstient de toute surenchère, le pouvoir, lui, ne joue pas le jeu. Au prétexte qu’il a été élu, le chef de l’État exerce un quasi-droit de propriété sur le pays. Son Premier ministre attribue les marchés publics à ses amis, nomme ses fidèles aux postes clés dans la fonction publique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’exercice démocratique n’est pas au rendez-vous. »
Mahamadou Issoufou, qui briguera, à n’en pas douter, la magistrature suprême pour la quatrième fois, l’an prochain (il était déjà de la partie en 1993, en 1996, puis – on l’a dit – en 1999), est, en dépit de son jeune âge, un vieux briscard de la vie politique nigérienne. Allié du président Mahamane Ousmane, en 1993, il rompt, l’année d’après, avec ce dernier pour rejoindre, dans l’opposition, le Mouvement national pour une société de développement (MNSD-Nassara, ex-parti unique). Il fut ensuite, comme il le reconnaît lui-même, l’un des plus farouches adversaires du président Ibrahim Maïnassara Baré, arrivé au pouvoir en janvier 1996, puis assassiné par des éléments de sa garde en avril 1999. Quatre ans après ces graves événements, le PNDS et le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP), la formation politique du défunt président, font désormais bloc, dans une opposition irréductible au président Mamadou Tandja. Et tout en assumant, chacun, leurs différences : « Le RDP réclame la vérité sur les circonstances de l’assassinat du président Baré et des sanctions contre ses auteurs. Nous, nous prônons, comme en Afrique du Sud, la vérité et la réconciliation. Vouloir coûte que coûte revenir sur cette affaire comporte des risques. Les responsables présumés ont été amnistiés par une disposition constitutionnelle. Ils sont donc libres de leurs mouvements. S’ils se sentaient menacés, ils pourraient être amenés à jouer les trouble-fête… »
Les yeux rivés sur l’agenda électoral, Mahamadou Issoufou met en garde les autorités contre toute tentative de vouloir organiser, en octobre 2003 et fin 2004, des scrutins frauduleux : « Le Premier ministre Hama Amadou essaie, ces jours-ci, de faire passer en force un projet de révision du code électoral dans le but de modifier la composition de la Commission électorale nationale indépendante. Pourtant, cet organisme, tel qu’il est actuellement, s’acquitte bien de sa tâche. Le chef du gouvernement sait qu’il ne peut parvenir au pouvoir par les urnes. Il préfère donc les solutions à la hussarde et se soucie plutôt – sait-on jamais ? – de soigner ses relations avec l’armée… »
Avant de quitter nos locaux, le leader du PNDS a, au terme d’un entretien avec Béchir Ben Yahmed, tracé ces lignes dans notre Livre d’or : « C’est avec un immense plaisir que je visite le siège de J.A.I., qui joue un rôle important dans la formation, à travers une information de qualité, des cadres politiques africains. Dans le contexte actuel de mondialisation, J.A.I. est un instrument de premier plan pour comprendre les événements dans le monde. J.A.I. mérite donc d’être encouragé et soutenu… »
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