Ma grand-mère me disait…
Publié le 10 juin 2003 Lecture : 2 minutes.
Chris Marker, auteur du film Joli Mai, a interrogé plusieurs Parisiens. Parmi eux, un jeune étudiant originaire du Dahomey (aujourd’hui Bénin). Extraits.
Qu’est-ce que vous pensez des Français ?
Quand j’étais tout petit, ma grand-mère, qui a subi pas mal de vexations du fait de la colonisation, me disait « méfie-toi des Français ». Elle s’était opposée en vain à la décision de mon père de m’envoyer en France.
Votre première impression ?
La première chose que je me suis dite quand j’ai vu des Français : ah ! ce sont ceux qui nous ont vaincus.
La seconde chose ?
Nous pourrons les vaincre à notre tour… Ce sont des gens très ordinaires, pas du tout comme ceux que j’avais rencontrés en Afrique.
Ils étaient comment ceux d’Afrique ?
On ne les touchait pas, c’étaient des gens éloignés.
Et quand vous êtes arrivé ici…
J’ai été accueilli par des frères chrétiens, amis de mon oncle. Ils m’ont donné une tout autre impression des Français de là-bas. J’étais bien chez eux. Je ne me suis disputé qu’une fois. C’était au sujet de l’histoire de mon pays. Ils disaient que lorsque les Français sont arrivés au Dahomey, ils ont vaincu une armée de roitelets sanguinaires, etc. J’étais furieux et je me suis dit qu’un jour ou l’autre nous nous libérerons. Ce qu’ils disaient était contraire à ce que ma grand-mère m’avait appris. Elle m’avait raconté comment nos ancêtres s’étaient défendus et que ce n’était pas du jour au lendemain que les Français avaient pu conquérir le Dahomey. J’aimais beaucoup notre histoire.
Vous avez eu des amis blancs ?
J’ai eu l’occasion de séjourner dans le Massif central. Là-bas, il y avait des gens qui n’avaient jamais vu de Noirs et qui me traitaient de négro. J’y suis resté trois ans et à la fin je n’étais plus montré du doigt. J’ai eu quelques amis qui m’ont invité chez eux, les uns par sympathie, d’autres pour me montrer qu’ils ne sont pas racistes et qu’ils n’ont pas de préjugés.
Mais indépendamment de ces bons sentiments, avez-vous eu de vraies relations d’amitié avec des Blancs ?
Non. Je ne suis pas plus intégré qu’avant.
