le poids du textile

Incitées à délocaliser ou à sous-traiter leur production, les sociétés européennes ont largement contribué à dynamiser le secteur.

Publié le 11 juin 2003 Lecture : 4 minutes.

Les filières manufacturières de Tunisie n’ont pas à se plaindre. Désireuses de réaliser toujours plus d’économies pour rester compétitives, les sociétés européennes ont choisi tout au long de la dernière décennie de délocaliser ou de sous-traiter leur production dans le pays. Pour soutenir le secteur industriel et séduire les investisseurs, les autorités n’ont certes pas manqué d’arguments : démantèlement progressif des barrières douanières dans le cadre de l’accord d’association signé en 1995 avec l’Union européenne (UE) ; mise en exergue du faible coût de la main-d’oeuvre et de la proximité géographique ; création de nombreux mécanismes d’aides et de subventions (primes d’études ou d’investissements et participations au capital, entre autres)…
Si gentiment invitées à le faire, les firmes étrangères sont venues nombreuses s’implanter sur le territoire tunisien ou passer des accords de partenariats avec des sous-traitants locaux. D’après l’Agence de promotion de l’industrie (API), plus de 18 % des 10 000 entreprises qui composent le tissu industriel (1 824 sociétés pour être précis) sont d’origine étrangère ou à capitaux mixtes. Quatre-vingt-six pour cent d’entre elles sont originaires de l’Union européenne, les autres étant essentiellement issues de Suisse, du Japon et des États-Unis. Enfin, 83 % de ces sociétés à capitaux étrangers réexportent la totalité de leur production vers les autres marchés.
En plus de créer de l’emploi, ce cadre d’échange a permis aux privés tunisiens de bénéficier d’un apport technologique correspondant aux normes internationales, d’améliorer la qualité de leurs productions et de leurs services, et d’avoir une plus grande maîtrise de leurs coûts. En quelques années, l’industrie tunisienne a été fortement restructurée. Signe de la bonne santé du secteur, sa part dans le Produit intérieur brut (PIB) est passée, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de 6 % dans les années soixante à 18 % en 2001. En 2002, il a absorbé 13 % des investissements globaux réalisés en Tunisie, soit tout près de 1 milliard de dinars tunisiens (674 millions d’euros), dont 255 millions d’investissements directs étrangers (soit environ 21 % du total des IDE émis en Tunisie). Ce qui signifie que l’État a largement contribué financièrement à développer un secteur porteur de créations d’emplois et de croissance économique grâce aux exportations.
L’agroalimentaire arrive en tête des industries les plus consommatrices d’investissements, suivi par les industries mécanique et électrique puis par les matériaux de construction. Les IDE suivent une ventilation un peu différente, d’abord orientés vers les secteurs mécanique et électrique, puis textile et enfin vers les matériaux de construction. Une divergence qui s’explique par une présence traditionnellement plus forte des entreprises partiellement ou totalement étrangères dans le textile plutôt que dans l’agro-industrie. Une évolution importante est néanmoins constatée depuis deux ans, à savoir un certain report des IDE sur les industries mécanique et surtout électrique. « En 2002, les investissements étrangers réalisés dans cette branche d’activité ont pour la première fois été plus importants que ceux orientés vers le textile », constate Abdessalem Mansour, directeur général de la Fipa (Foreign Investment Promotion Agency/ Agence de promotion de l’investissement extérieur), pas fâché de voir les flux rester constants en volume, mais se diriger sur des secteurs à plus fortes retombées financières pour le pays. Conséquence indirecte de cette redistribution, le nombre de créations d’emplois a tendance à baisser sur le secteur industriel en général, puisqu’elles se reportent principalement sur des postes moins nombreux et de plus en plus qualifiés. Toujours d’après certaines estimations de l’API, l’industrie tunisienne a créé 27 000 emplois en 2002, soit 13 % de moins que l’année précédente. La filière manufacturière compte aujourd’hui 530 000 salariés, soit 34 % de la population active.
Le secteur poursuit donc sa mue. Dans le cadre des accords d’association avec l’Europe, Tunis bénéficie d’un programme de modernisation industrielle (PMI) pour son secteur privé, programme qui fait suite au mécanisme ETE (Euro-Tunisie-Entreprise), doté de 20 millions d’euros et devant se terminer en juin 2003. Le PMI, qui débutera dès la fin de cette année, doit permettre de soutenir les efforts de modernisation et de restructuration du secteur sur cinq ans. Une « mise à niveau » destinée à renforcer la compétitivité de l’outil industriel du pays en prévision de la mise en place de la zone de libre-échange Euro-Méditerranée, prévue à l’horizon 2010. L’ensemble du processus est financé par l’Union européenne, pour un budget global de 50 millions d’euros. n Olivier Caslin La filière textile comptait en 2002 plus de 2 100 sociétés, dont 52 % totalement ou en partie à capitaux étrangers. Plus de 1 600 produisent exclusivement pour l’export et bénéficient d’importants avantages fiscaux. En 2001, le secteur a fourni 4,2 milliards de DT (2,9 milliards d’euros) de recettes d’exportation, soit, en volume, 48 % du total des exportations tunisiennes. L’Union européenne (UE) en absorbe à elle seule 92 %. La Tunisie est actuellement le quatrième fournisseur de l’UE, derrière la Chine, la Turquie et la Roumanie.
Le textile a vu sa production doubler sur les dix dernières années pour atteindre 5,6 milliards de DT, pendant que les investissements passaient de 120 millions de DT en 1992 à 229 millions en 2001. Pourtant, leur montant ne devrait pas dépasser les 200 millions de DT en 2002, car les investissements directs étrangers (IDE) à la baisse. Après avoir culminé à 93,4 millions de DT en 2000, ceux-ci sont passés à moins de 80 millions de DT en 2001 puis à 64 millions de DT en 2002. La concurrence asiatique se fait sentir sur les produits bas de gamme, et la Tunisie se concentre davantage sur des productions de haute et moyenne gamme. La branche textile et habillement n’a représenté que 5 % des volumes d’IDE l’année dernière, contre 8 % à 12 % les années précédentes.

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