Fini la récréation !

L’arrestation, le 30 mai, de Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991, porte un coup fatal au processus de réconciliation entamé il y a un an.

Publié le 10 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Le Conseil d’État pour la paix et le développement (SPDC, nom générique de la junte au pouvoir depuis 1988) est, une nouvelle fois, revenu sur ses engagements d’ouverture démocratique et de réconciliation nationale en optant pour la répression de toute manifestation de l’opposition birmane. En tournée à l’intérieur du pays, Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991 et leader de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a été de nouveau arrêtée, le 30 mai, une année après la levée de son assignation à résidence. Le meeting populaire qu’elle animait dans le nord du pays a été brusquement interrompu par l’intervention de 5 000 miliciens à la solde des généraux au pouvoir. Les affrontements entre les fauteurs de troubles et les 20 000 sympathisants de la « Dame de Rangoon » auraient fait de nombreuses victimes. Plusieurs dizaines, selon des témoignages rapportés par des agences de presse internationales.
La junte militaire (un triumvirat composé des généraux Than Shwé, chef de l’État, Maung Aye et Khin Nyunt) a donc décidé de donner un coup d’arrêt à l’opération de charme entamée depuis une année sur les conseils de DCI, un cabinet américain de communication, chargé de soigner l’image du pouvoir birman réputé pour sa brutalité envers toute contestation politique, honni pour ses relations ambiguës avec les caïds de la drogue et des psychotropes qui inondent les pays voisins, notamment la Thaïlande.
Pour ce faire, les généraux avaient consenti quelques concessions : la mise en place d’un programme de plusieurs millions de dollars de substitution de la culture du pavot et une ouverture politique qui a débuté le 6 mai 2002, avec l’élargissement de Suu Kyi, fille de Aung San, père de l’indépendance du pays et icône de la démocratie. Quelques mois plus tard, toutes ces promesses se sont évaporées. Le programme de substitution de la culture du pavot a servi de prétexte aux généraux pour parachever leur politique de divisions ethniques en opérant de grands déplacements de population, de manière à garder la haute main sur le pays. Quant à l’ouverture du champ politique, elle n’a jamais été effective. Les prisonniers d’opinion élargis étaient, le plus souvent, remplacés par d’autres le jour même de leur libération. Les effets de la répression ont fini par vider les partis de leur substance et décourager les volontés les plus tenaces.
Bien que la Birmanie soit un pays producteur de pétrole et que l’économie parallèle prospère grâce à l’argent de la drogue, la situation économique est désastreuse, avec un recours illimité à la planche à billets, une inflation à deux chiffres et une dépréciation continue de la monnaie locale. En trente ans, le taux de change est passé de 6 à 1 200 kyats pour 1 dollar.
Malgré une économie exsangue et un isolement diplomatique de plus en plus pesant, la junte a fait marche arrière dans le processus de démocratisation, revenant à une politique de répression tous azimuts. L’explication de cette volte-face est peut-être à chercher dans cette confidence du général Than Shwé, lors d’un Conseil des ministres : « La Birmanie ne figure qu’en cinquième position de la liste des pays hostiles établie par le département d’État américain. » Il est vrai que la Birmanie ne fait pas partie de l’axe du Mal défini par George W. Bush, que les Américains ont déjà fort à faire en Afghanistan et en Irak, et que l’ONU, seule institution à s’intéresser encore à l’actualité birmane, a été mise à mal par l’épisode irakien. Pourquoi, dans ces conditions, les militaires précipiteraient-ils leur retour dans les casernes ?

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