Eyadéma, cinq ans de plus

Avec, officiellement, 57,22 % des suffrages, le chef de l’État sortant a remporté, sans surprise, la présidentielle du 1 er juin, devant Bob Akitani (34,14 %), le candidat parrainé par Gilchrist Olympio, et Yawovi Agboyibo (5,20 %).

Publié le 11 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Comme au Zimbabwe, au Congo, en Côte d’Ivoire ou au Nigeria hier, comme en Mauritanie, au Gabon ou au Cameroun demain, comme, en fait, presque partout sur le continent, l’élection présidentielle togolaise du 1er juin a été qualifiée de « mascarade » par l’opposition. Comme d’habitude aussi, le fracas de ces critiques contraste avec l’indifférence apparente d’une population avant tout préoccupée, à Lomé comme ailleurs, par sa survie quotidienne. Une semaine après le scrutin, la capitale était toujours aussi calme, les patrouilles des « bérets rouges » de l’armée et les coupures d’électricité ajoutant encore à l’atmosphère quasi surréaliste d’un pays sous anesthésie économique et politique.
Gnassingbé Eyadéma, 67 ans, se succède donc à lui-même pour un nouveau mandat de cinq ans : qui en doutait ? Avec, officiellement, 57,22 % des voix, le chef de l’État sortant devance Bob Akitani (34,14 %), le candidat parrainé par Gilchrist Olympio, et Yawovi Agboyibo (5,20 %), les trois autres postulants restant confinés sous la barre des 5 %. À y regarder de plus près, la répartition régionale des votes reflète grosso modo l’implantation électorale de chacun : si Eyadéma rafle l’essentiel des voix dans le Nord et le Centre, là où la « machine » présidentielle fonctionne à plein régime, il reste très minoritaire à Lomé et dans la région maritime, où Akitani l’emporte avec 62 % – une « défaite » qu’il conviendra de méditer.
Une fois de plus, ses compulsions scissipares étant devenues quasi légendaires, l’opposition, dont les divisions ont fait le lit du général-président, a fait preuve à la fois d’immaturité et de surenchère. Après avoir récusé a priori les résultats d’un scrutin truqué, selon eux, à l’avance, ses leaders se sont lancés en ordre dispersé dans des autoproclamations de victoire sans se rendre compte qu’ils se disqualifiaient ainsi mutuellement. Bob Akitani revendique 75 % des voix, alors que son allié, Dahuku Péré, s’affirme élu avec 37,7 %. Total : 122,7 % pour l’opposition. On croit rêver. Certes, la quasi-totalité des 187 observateurs internationaux chargés de superviser l’élection – dont plusieurs députés français parrainés par l’Élysée et une délégation américaine conduite par le fils du défunt pasteur Martin Luther King – ont relevé des dysfonctionnements parfois gênants susceptibles d’avoir pénalisé les candidats de l’opposition. Mais rien, apparemment, qui remette en cause la victoire du camp présidentiel. Ainsi, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), que dirige Abdou Diouf, laquelle disposait de 22 observateurs sur place, a rendu public, le 6 juin, un communiqué qui, tout en soulignant des carences parfois préoccupantes dans l’organisation du scrutin, n’en avalise pas moins les résultats. Après avoir relevé les « efforts sensibles » du ministère de l’Intérieur et même souligné « la bonne tenue » des forces de sécurité, le secrétaire général de l’OIF invite les parties à régler leurs contentieux « par des voies légales ».
Le véritable enjeu est donc désormais, pour l’opposition, de réfléchir à la cause de ses désunions congénitales, et, pour le pouvoir, de faire accréditer l’élection du 1er juin par les bailleurs de fonds, afin que l’aide extérieure reprenne. Gnassingbé Eyadéma peut pour cela compter sur le soutien de la France et des États-Unis (dont l’ambassadeur à Lomé a jugé le scrutin convenable), mais pas ou pas encore sur celui de l’Union européenne. Cette dernière, on le sait, a refusé d’envoyer des observateurs au Togo – une décision que Jacques Chirac, qui sait que tout se joue à Bruxelles, a jugée « regrettable ».

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