Contre vents et marées

On dit la conjoncture internationale peu propice au développement du secteur ? Peu importe, il faut innover et augmenter les capacités d’accueil.

Publié le 11 juin 2003 Lecture : 4 minutes.

Pourquoi investir dans le tourisme, un secteur si sensible aux aléas de la conjoncture mondiale ? S’ils avaient écouté cet avertissement, qui revient comme un leitmotiv après chaque crise internationale (guerres israélo-arabes de 1967 et 1973 ou guerres du Golfe en 1991 et 2003) ou nationale (émeutes de 1978 et 1984, explosion dans un hôtel de Monastir en 1986, attentat à Djerba en 2002), les opérateurs tunisiens auraient sans doute raté l’affaire de leur vie et privé leur pays d’une importante source de revenus. Mais encouragés par les incitations financières et fiscales accordées par l’État, ils n’ont pas hésité à se lancer dans l’aventure du tourisme de masse dès le milieu des années soixante-dix. On peut dire qu’ils ont vu juste. Et pour cause : la Tunisie, qui se trouve à deux heures de vol des principales capitales européennes, possède 1 300 km de côtes et dispose de belles plages ensoleillées. Restait à construire des hôtels dans des stations balnéaires aussi renommées qu’Hammamet, Djerba, Sousse ou Tabarka pour voir affluer les touristes.
Le pays attire bon an mal an plus de 5 millions de visiteurs, européens pour la plupart. Le secteur génère des recettes annuelles estimées à 2,3 milliards de dinars tunisiens (1,5 milliard d’euros), qui viennent soulager le déficit chronique de la balance commerciale. Il assure aussi 6 % du Produit intérieur brut (PIB), 18,7 % du total des exportations et 90 000 emplois directs, sans compter les effets induits sur les autres secteurs : de l’hôtelier au vendeur de bouquets de jasmin en passant par l’agent de voyages, le transporteur, le restaurateur et le marchand de tapis, tout le monde tire profit d’une activité qui continue de se développer au rythme de 5 % par an.
Le pays compte aujourd’hui 777 unités hôtelières, pour une capacité d’accueil de 214 300 lits. Près de 28 000 autres lits sont « en chantier » et 16 000 actuellement à l’étude. Pour répondre à l’évolution de la demande, les responsables comptent accroître le parc hôtelier de quelque 13 000 lits par an. « C’est beaucoup trop », disent les éternels pessimistes. Leurs arguments : « La conjoncture internationale est peu propice au développement du secteur. La concurrence en Méditerranée est rude. La guerre des prix fait rage. Il faudrait penser à remplir les palaces existants – leur taux d’occupation ne dépasse pas 55 % – avant de se lancer dans la construction de nouveaux établissements difficiles à remplir. » « Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? » répondent ceux qui font valoir que les capacités d’accueil sont très en deçà de celles des îles espagnoles ou de la Grèce, par exemple. Et de citer les atouts du pays : sept aéroports internationaux (un huitième est en projet), huit ports, six ports de plaisance (deux autres à l’étude), huit parcours de golf (bientôt un neuvième), vingt-trois centres de thalassothérapie (qui le classent en seconde position après la France dans ce domaine), quatre casinos, des dizaines de centres de sports nautiques, d’équitation, de plongée sous-marine… En plus de ses stations balnéaires, il peut compter sur ses merveilleux paysages sahariens, ses oasis exotiques, ses habitations troglodytes, ses grottes aux peintures rupestres, ses vestiges archéologiques, ses parcs naturels idéals pour les randonneurs.
Ahmed Slouma, directeur général de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), préfère parler d’avenir. Une étude stratégique sur l’évolution du secteur jusqu’à 2010 est en cours de réalisation. Ses résultats seront rendus publics avant la fin du mois de juin. Mais les grandes orientations en sont déjà connues. En plus de l’amélioration de la qualité des offres qui a fait le succès de la destination – le balnéaire, le saharien, la plaisance, la thalassothérapie ou le thermalisme -, un intérêt particulier sera accordé à des produits porteurs comme la culture, l’écologie, l’incentive (tourisme d’entreprise), le shopping et le tourisme intérieur, en développement rapide grâce à l’élévation du niveau de vie des Tunisiens. Autre orientation : l’amélioration du standing des établissements afin d’attirer une clientèle haut de gamme. La part des unités de luxe (4 et 5 étoiles) s’élève aujourd’hui à 35,5 % du parc hôtelier, contre seulement 15 % il y a quinze ans. On peut toujours faire mieux…
« Notre département encourage les projets novateurs, comme la construction de centres de loisirs et de parcs à thème », explique Ahmed Slouma. Par exemple : Dar Chéraïet, à Tozeur, un musée des traditions populaires offrant des spectacles son et lumière didactiques et spectaculaires ; Djerba Explore, qui regroupe, entre autres attractions, un musée ethnographique consacré à l’île des Lotos, un musée d’histoire de la Tunisie et… une ferme d’élevage de crocodiles ; Friguia, un parc animalier consacré aux espèces originaires du continent africain. On peut également citer Médina-Yasmine Hammamet, une médina regroupant plusieurs souks, hammams, caravansérails, cafés maures, bars et restaurants gastronomiques, ou encore le parc à thème Carthagoland, qui présente des attractions inspirées de l’histoire de la Tunisie. Ces projets sont encouragés, car ils aident à pallier le problème majeur du tourisme tunisien : le manque d’animation hors des hôtels.
Dans les cinq prochaines années, la plus grosse partie des investissements sera destinée aux zones touristiques en cours d’aménagement, notamment Cap Gammarth, au nord de Tunis, Salloum, dans le prolongement de Yasmine-Hammamet, Bekalta, près de Monastir (littoral centre-est), où le Club Med a déjà ouvert une unité, Lella Mériem, à Zarzis (est), et Lella Hadria, à Djerba (sud-est). Sans oublier la zone de Sidi Founkhal, dans les îles Kerkennah, appelée à devenir un important pôle de tourisme écologique.

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