Ce jour-là

Publié le 10 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

En ce mois de juin 1992, les participants au premier Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro (Brésil), la plus grande manifestation jamais organisée par l’ONU, sont accueillis par deux cadrans numériques géants : le premier affiche le nombre d’êtres humains et croît de trois unités par seconde, le second comptabilise la surface mondiale des terres productives et diminue de un hectare toutes les 8,23 secondes. Ces gadgets résument à merveille l’équation dramatique que veulent tenter de résoudre, du 3 au 14 juin, 30 000 participants, 185 délégations et 96 chefs d’État ou de gouvernement.
Il y a péril en la demeure. Les statistiques disent que les activités humaines risquent de rendre notre monde invivable. Nous étions 1 milliard il y a deux siècles ; nous serons 8,5 milliards en 2025. Un dixième des forêts et 17 500 espèces disparaissent chaque année. Industrie, chauffage, circulation automobile accumulent dans l’atmosphère des gaz à effet de serre comme le gaz carbonique, ce qui nous promet une augmentation de la température moyenne du globe comprise entre 1,9 °C et 5,2 °C : fonte des glaciers et de la banquise assurée et modifications climatiques catastrophiques annoncées.
Les travaux du Sommet de Rio font apparaître plusieurs clivages. Le plus spectaculaire oppose les pays riches du Nord aux pays pauvres du Sud. Les premiers demandent aux seconds de ne pas répéter les fautes écologiques qu’eux-mêmes ont commises durant leur révolution industrielle, de faire moins d’enfants, de ne plus exploiter leurs forêts à outrance et de respecter des normes sociales.
Reprenant le mot du Premier ministre indien disparu, Indira Gandhi, les pays du Sud leur répondent que « le pire ennemi de l’environnement, c’est la pauvreté ». Ils soulignent l’urgence du développement économique pour corriger l’injustice d’une planète où 79 % de la population ne dispose que de 15 % du revenu mondial. Ils refusent de donner à la protection du règne végétal ou animal la priorité sur l’amélioration du sort des populations misérables. Quatre cents savants signent « l’Appel de Heidelberg » contre « l’écologisme qui gomme l’homme » et dénoncent « une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès économique et industriel ».
Le Groupe des 77, conduit par le Dr Mohamed Mahatir, Premier ministre malaisien, pratique une sorte d’écoterrorisme qui consiste à dire aux pays riches : « Si vous ne voulez pas que nous polluions la planète, aidez-nous à nous développer avec vos dollars. » Car tout est une question d’argent : le programme minimum à réaliser est évalué à 125 milliards de dollars par an.
Le directeur général du FMI Michel Camdessus suggère que l’on transfère aux pays en développement une petite partie des 950 milliards de dollars de dépenses militaires annuelles, puisque la fin de la guerre froide ne les rend plus nécessaires. Refusé. D’autres proposent de créer une taxe sur l’énergie fossile ou sur l’émission de gaz à effet de serre. Refusé.
Les Américains font figure de vilains pollueurs refusant de s’amender, d’aider les pays pauvres, de protéger les espèces en danger. Leur position est résumée par la phrase abrupte du président Bush père : « Le mode de vie américain n’est pas négociable. »
Ces empoignades se concluent pourtant par l’adoption, le 14 juin, de déclarations solennelles qui donnent satisfaction à tous puisque la communauté des nations y promet de limiter les émissions de gaz, de préserver la biodiversité tout en assurant un développement « durable ». Un Agenda dit « 21 » de 900 pages répertorie les mesures à prendre jusqu’au niveau du citoyen ordinaire pour y parvenir. La machine est lancée, sous les applaudissements.
Elle n’ira ni très vite ni très loin. L’Europe promet de consacrer à cette aide au développement d’un nouveau genre 0,7 % de son Produit intérieur brut… mais sans avancer de date. Pis : la France, qui donnait 0,56 % en 1991, va reculer à 0,32 % en 2001. Autant en emporte le vent des promesses. Ce piètre résultat a donc nécessité un nouveau Sommet de la Terre, à Johannesburg, le 14 juin 2002, à la tribune duquel le président français Jacques Chirac s’écrie : « Notre maison brûle ! » Dix ans après Rio, les pompiers se font attendre.

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