AES Sonel, un échec camerounais
Arrivé en 2001, l’américain AES Corporation n’est pas parvenu à combler le déficit chronique d’énergie dont souffre le pays. Fin 2013, il a jeté l’éponge.
Au siège d’AES-Sonel, à Douala, on brandit les chiffres comme des trophées. Plus de 630 milliards de F CFA (960 millions d’euros) investis en douze ans, essentiellement dans la construction de centrales thermiques. Plus de 400 000 nouveaux abonnés, soit un doublement du portefeuille existant lorsque l’américain AES Corporation avait repris 56 % de l’entreprise, en 2001. Et, surtout, une capacité de production dépassant l’objectif de 1 000 MW initialement fixé, pour atteindre aujourd’hui 1 238 MW grâce à la création de deux filiales : Dibamba Power Development Corporation, qui gère une centrale thermique en banlieue de Douala, et Kribi Power Development Corporation, chargée de la centrale à gaz de la cité balnéaire du sud du pays.
La production de AES Sonel n’a pas réussi à combler le déficit chronique d’énergie du Cameroun, où la demande croît de 6 % annuellement
Reste que la réalité ressemble plutôt à une contre-performance. AES l’a bien compris, qui vient de vendre ses parts au fonds d’investissement britannique Actis. Quelque 600 000 clients auraient dû être raccordés depuis 2001. Et si la production a augmenté, elle n’a pas réussi à combler le déficit chronique d’énergie, avec une demande qui croît de 6 % annuellement. Résultat : l’État a dû mettre sur pied un programme thermique d’urgence dès 2009, comprenant six centrales d’une capacité totale de 100 MW pour faire l’appoint en période d’étiage.
Barrage
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Le barrage de Lom Pangar, dans l’est du pays, fut l’un des points de friction entre AES-Sonel et l’État en 2006. Censé réguler le débit de la Sanaga, principal cours d’eau du pays, pour éviter les décrues qui provoquent les délestages en saison sèche, l’ouvrage, dont la construction est toujours en cours, a été retiré du portefeuille de l’entreprise pour être confié à Electricity Development Corporation, une entité publique.
« Alphonse Siyam Siwé [l’ex-ministre de l’Eau et de l’Énergie] a pris une décision courageuse. AES ayant voulu porter plainte, il a brandi la menace d’un audit qui a calmé tout le monde », observe un haut fonctionnaire familier des questions d’énergie.
Le problème du transport de l’électricité fut tout aussi épineux. À leur décharge, les Américains avaient hérité en 2001 d’un réseau en piteux état, faute d’investissements conséquents dans la maintenance au cours des années 1990.
« AES a donc exploité l’existant jusqu’à saturation avant de songer à certaines réhabilitations ou à la construction de nouvelles lignes », remarque le haut commis. Un professionnel ajoute : « Le management a accru l’offre d’énergie mais n’a pas amélioré le réseau. Sur la haute et moyenne tension, le taux de déperdition était supérieur à 30 % en 2001. Actuellement, il demeure au-dessus de 20 %. C’est énorme. »
Libéralisation
En dépit de la libéralisation de la production, en 1998, le monopole de fait d’AES-Sonel a entravé le développement du marché. « Des entreprises désirant investir dans la production ont été découragées, car la mainmise d’AES sur le réseau de transport lui permettait de fixer des prix exorbitants aux concurrents », soutient une source autorisée.
Pour corriger l’anomalie, le gouvernement a décidé de créer, à travers la loi sur le secteur de l’électricité de 2011, un gestionnaire du réseau de transport. Cette entité publique, dont le lancement est prévu en juillet, régulera les prix en faisant le lien entre producteurs et distributeurs.
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