RDC : Koffi Olomidé rattrapé par son passif

Après onze ans d’interdiction de séjour en France, il devait se produire à Paris le 27 novembre. Mais la star de la rumba congolaise doit désormais assumer son lourd passé judiciaire, dont des accusations de viol et séquestration sur mineure.

Koffi Olomidé a de nouveau été jugé en appel à Versailles pour agressions sexuelles et séquestration sur quatre ex-danseuses le 25 octobre dernier © Jonathan Kimya

Koffi Olomidé a de nouveau été jugé en appel à Versailles pour agressions sexuelles et séquestration sur quatre ex-danseuses le 25 octobre dernier © Jonathan Kimya

eva sauphie

Publié le 28 octobre 2021 Lecture : 6 minutes.

Cologne, dernier étage d’un luxueux gratte-ciel surplombant le Rhin. Koffi Olomidé, alors en promotion en Allemagne, rejoint la fête organisée en son honneur en août dernier par son nouveau label, Goldmann Records, escorté par la jeune chanteuse congolaise Anina Mwarabu, elle-même accompagnée d’une amie, une vingtaine de printemps au compteur. Une soirée privée qui a vu défiler une armada de jouvencelles réclamant tour à tour leurs selfies. L’occasion pour le vieux guerrier de la rumba congolaise, 63 ans, d’inverser les rôles et de jouer à son tour les paparazzi, en photographiant ces demoiselles en catimini.

Avec quarante-trois ans de carrière à son actif, Antoine Christophe Agbepa Mumba, de son vrai nom, a su traverser les générations et séduire tous les publics. Alors qu’il annonçait que 13e apôtre (2013) serait son dernier album, le voilà déterminé à entrer dans la « Légende », titre de son 39e opus à paraître courant novembre. « Faites semblant de mourir et vous verrez à quel point on vous aime et qui vous aime, récite-t-il. L’amour que je porte au public me commande de ne pas lui tourner le dos tout de suite. »

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« Le concert de ma vie »

C’est en s’offrant la crème des artistes de la scène urbaine actuelle qu’il annonce son grand retour. Davido, Tiwa Savage, Kaaris, Ninho, Gradur… La liste des artistes nigérians et de la diaspora congolaise et ivoirienne invités sur ce nouvel album est longue. Un casting cinq étoiles qui marque la volonté pour l’inusable crooner de s’inscrire dans l’air du temps. « On ne peut plus faire de la musique sans featuring aujourd’hui », glisse la star derrière ses éternelles lunettes de soleil, lors de la conférence de presse qui s’est tenue un peu plus tôt le même jour devant une maigre assemblée de journalistes.

Après des heures d’attente, celui que l’on surnomme « le Rambo » – parmi une myriade d’autres noms de guerre – nous propose un entretien privé à son hôtel, avant de préciser qu’elle se déroulera dans le hall et non dans sa chambre. Proposition que l’on déclinera. L’échange aura lieu sur place, dans le bâtiment du label, en présence de son staff, manager et producteur compris.

Il offre de quoi alimenter le débat sur la séparation entre l’homme et l’artiste, quasi inexistant en Afrique de l’Ouest

Montre XXL en or au poignet droit, bomber rouge constellé de strass et pantalon assorti, le grand manitou maîtrise l’art de la sape à la congolaise et conforte les rumeurs selon lesquelles il serait millionnaire. Une fortune qu’il doit à l’invention du tcha-tcho, genre qu’il s’enorgueillit d’avoir créé –refusant catégoriquement d’être assimilé à la rumba congolaise.

En 2000, il est le premier ressortissant d’Afrique subsaharienne à jouer à guichets fermés à Bercy devant 18 000 personnes. Vingt-et-un ans plus tard, Koffi Olomidé espère remplir l’imposant complexe de Paris La Défense Arena (40 000 places), et présenter son projet de 36 titres. « Nous jouerons aussi début septembre à Kinshasa, nous confiait l’été dernier le fondateur du mythique Quartier Latin – orchestre qui a vu passer des stars de la musique congolaise comme Fally Ipupa. C’est un plaisir de pouvoir se produire à nouveau devant les Congolais alors que les concerts redémarrent à peine. Cette date sera une répétition pour le concert de ma vie à La Défense Arena. »

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Agressions sexuelles et séquestration

À quelques semaines seulement de l’événement parisien, on sent la pression monter, au regard du contexte sanitaire. « J’invite tous les Africains à se faire vacciner », serine-t-il. Passeport sanitaire oblige, le défi sera de taille. Mais l’événement est in fine annulé mi-octobre. Parmi les raisons invoquées sur le compte officiel de la salle de spectacle, la pandémie donc, qui aurait des conséquences « sur les voyages internationaux ». Et nombre de « koffiphiles » et de « koffinettes », comme le grand « mopao » (patron) aime appeler ses groupies, pointent la menace des Combattants, opposants congolais radicaux de la diaspora, et le risque de violences qu’aurait engendré un tel rassemblement.

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Mais d’autres motifs, concernant directement Koffi Olomidé, ont pu motiver cette annulation… Adoubé par les uns, jugé pornographe par les autres en raison de ses paroles et de ses clips de plus en plus vulgaires, la star de la rumba offre de quoi alimenter le débat sur la séparation entre l’homme et l’artiste, pour l’heure quasi inexistant en Afrique de l’Ouest. Son passé judiciaire est lourd et inclut une condamnation en 2019, en France, pour viol sur mineure de moins de 15 ans et séquestration sur quatre de ses danseuses (des faits qui ont eu lieu entre 2002 et 2006 dans un pavillon qu’il louait à Asnières). Jugé en première instance par le tribunal de Nanterre, il a écopé d’une peine de deux ans avec sursis au lieu des sept ans d’enfermement ferme requis par le ministère public.

Le 25 octobre, le parquet général a requis huit ans de prison ferme à son encontre

Lorsque l’on évoque ce passé, le visage de Koffi se ferme et le ton de sa voix devient grave. « J’ai été dans l’impossibilité de venir en France pendant onze ans, rappelle-t-il, remonté. Aujourd’hui, je passe les frontières normalement, cela ne peut pas ne rien signifier. La justice a répondu à la question. C’est tout », tranche-t-il. Mais la justice n’avait pas dit son dernier mot. L’intéressé a de nouveau été jugé en appel à Versailles pour agressions sexuelles et séquestration sur quatre ex-danseuses le 25 octobre dernier. Le parquet général a requis huit ans de prison ferme à son encontre.

Et quid aujourd’hui des conditions de travail de ces danseuses qui officiaient sans contrat pour un salaire de misère (100 euros pour un concert de minuit à six heures de matin selon un témoignage rapporté dans le dossier judiciaire) ? Le protégé de feu Papa Wemba, auteur d’une agression filmée sur l’une d’elles en 2016. avoue avoir du mal à les payer, mais affirme s’y tenir. Il s’emporte et précise que s’il était une personne peu fréquentable, les artistes ne travailleraient pas pour lui. « Dans tous les groupes congolais, même en Côte d’Ivoire et au Cameroun, il y a une quarantaine de danseuses… Pourquoi elles intégreraient ces groupes si les conditions n’étaient pas bonnes ? » s’agace-t-il.

Peur de représailles

Pendant quelques minutes pesantes, Koffi Olomidé semble pour la première fois désarçonné et regrette d’en avoir trop dit. Rapidement, il change de sujet et évoque son arrestation de 2006, alors qu’il voyageait en train vers Lyon avec son groupe Quartier Latin, muni de billets achetés frauduleusement avec des chèques en bois. L’occasion pour la star, qui a été condamnée pour fraude fiscale, d’incriminer son ancien producteur, responsable de l’achat desdits billets. Et de rappeler que l’ensemble de l’équipe a été soumis à un interrogatoire. Selon lui, les danseuses – interrogées séparément – auraient alors eu tout le loisir de témoigner contre lui.

L’une des danseuses qui a témoigné contre lui a déclaré avoir fait une tentative de suicide

Il affirme que le rêve des jeunes femmes qui l’accusent était de vivre en France et d’obtenir des papiers auprès d’associations. « Mais à l’ambassade de France, je m’étais engagé à ce que l’ensemble du groupe revienne au Congo. Si quelqu’un était resté sur le sol français, je n’aurais pas pu obtenir de visas pour le groupe dans le futur », se défend-il sans jamais revenir sur les accusations d’agressions. Selon lui, depuis cette affaire, aucune des danseuses d’alors n’a pu poursuivre sa carrière. Et pour cause, les quatre danseuses congolaises qui ont porté plainte, et qui ont été partie civile au procès, n’ont jamais remis les pieds en RDC par « peur » de représailles du chanteur. L’une d’entre elle a déclaré avoir fait une tentative de suicide.

« Les femmes sont très bien protégées, il faut aussi écouter notre point de vue », lâche ce père de famille, qui cite sans relâche sa fille Didi-Stone, promise à une belle carrière de mannequin, comme étant sa digne héritière. « Je suis un homme honnête, qui prend les jeunes par la main, j’ai fait des featuring avec des artistes à peine connus », tient à préciser celui qui a fondé le label Koffi Central pour soutenir la jeune garde de la musique congolaise.

Koffi Olomidé ne veut pas être un homme du passé, encore moins du passif. Et de toute évidence, les institutions culturelles et politiques africaines ne font pas grand cas de ces affaires. L’artiste s’est même vu remettre la médaille du Mérite des arts, des sciences et des lettres par le président de l’Assemblée nationale congolaise, Aubin Minaku, en 2015. L’avenir du chanteur dépend pourtant désormais en grande partie d’un jugement mis en délibéré à une date encore inconnue…

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