Un grand témoin du petit écran

Hervé Bourges brosse un tableau clair et précis de la télévision et de ses évolutions en cours.

Publié le 9 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Il est rare qu’un essai, genre où l’ennui rivalise souvent avec l’insignifiance, soit un plaisir de lecture. Celui d’Hervé Bourges et qui concerne la télévision fait exception ces temps-ci. Ce qui n’est pas étonnant puisque l’auteur a occupé presque toutes les fonctions possibles dans ce secteur : il fut, entre autres, président de France Télévisions et dirigea le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Aussi écrit-il avec l’autorité de l’homme qui connaît son affaire. En ce sens, le tableau qu’il brosse de la télévision et du bouleversement que va entraîner la révolution numérique est clair, précis et nécessaire à celui qui entend savoir ce que l’avenir lui propose. D’autant que la télévision n’est pas un média dépassé. « Au contraire, écrit Bourges, c’est le média phare des prochaines années, qui n’en est qu’à la préhistoire de son développement. »
D’autant également que le petit écran propage un flot d’événements et d’émotions au retentissement planétaire qui crée une forme d’opinion publique universelle. C’est dire son importance puisqu’il installe une véritable hégémonie dans les esprits et que sa conquête fait partie intégrante de la puissance d’un État. Bref, qui a la maîtrise des écrans possède le pouvoir, qui domine le flux des images peut mieux assurer sa force idéologique.
Mais voilà qui nécessite des moyens considérables. Ainsi, le budget annuel de CNN, la chaîne américaine, s’élève à la somme extravagante de 1,6 milliard de dollars. La seule couverture du conflit en Irak a représenté un budget spécifique de près de 100 millions d’euros. De tels montants suffisent à relativiser les ambitions de la France qui ne prévoit que… 30 millions d’euros pour sa future chaîne d’information internationale.
Et Bourges d’enfoncer le clou et d’insister sur un fait trop souvent oublié : « La vraie influence d’un média international, écrit-il, n’est pas le fait de toucher son public par sa propre diffusion mais de vendre au reste du monde des images qui seront reprises et diffusées par toutes les télévisions nationales. » C’est en cela que ce livre est précieux. Non seulement parce qu’il précise les défis de demain mais surtout parce qu’il dégage des idées neuves et en pourfend d’autres, convenues celles-là. Hervé Bourges déteste le politiquement correct et les jugements préconçus. Au détour d’une phrase, il énonce quelques vérités d’autant plus surprenantes qu’elles émanent d’un homme du sérail.
Bourges se fera quelques ennemis dans le milieu audiovisuel. Il le sait et l’assume. Pour ne prendre qu’un exemple, on citera ce qu’il écrit sur « Arte », la chaîne culturelle franco-allemande : « L’expérience d’Arte montre les limites d’une télévision élitiste, qui expose la culture au lieu d’accomplir l’effort de la faire partager, et qui se soucie comme d’une guigne d’une programmation attrayante propre à lui assurer un large public. […] Arte court le risque de s’enfermer à terme dans un ghetto qui rétrécit, réduit à un petit nombre d’happy few qui se regardent penser en circuit fermé. » Ce n’est qu’un détail. Il prouve pourtant combien ce livre est salutaire.

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