Rony Brauman : « Au Sahel comme en Afghanistan, l’arrogance impériale dans toute sa splendeur »
L’ACTUALITÉ VUE PAR… Chaque samedi, « Jeune Afrique » interroge une personnalité sur sa vision de ce qui fait événement sur le continent. Faut-il dresser un parallèle entre le retrait américain de Kaboul et la fin annoncée de l’opération Barkhane au Sahel ? Rony Brauman, figure incontournable de l’humanitaire, juge que Paris doit tirer les leçons de l’échec afghan.
Président de Médecins sans frontières (MSF) de 1982 à 1994, le French doctor Rony Brauman a été témoin des longues souffrances de l’Afghanistan, de l’invasion soviétique en 1979 à l’évacuation en catastrophe des troupes américaines, fin août 2021. Intellectuel autant qu’humanitaire engagé, il n’a cessé de mettre en garde sur les dangers du « devoir d’ingérence » et de questionner la supposée « responsabilité de protéger les peuples », dénonçant ainsi l’intervention française en Libye en 2011. Il livre à Jeune Afrique son point de vue sur l’échec de 20 ans d’occupation américaine en Afghanistan… Et sur le devenir de la présence française dans le Sahel.
Jeune Afrique : Que vous inspire l’effondrement du régime afghan soutenu par Washington ?
Rony Brauman : Il montre toutes les limites de ce qui peut être accompli par la force militaire. Elle peut défendre des zones de stabilité mais s’avère incapable de transformer une situation politique défectueuse en réalité vertueuse. L’ignorance de cette réalité entraîne une incompréhension totale du rôle qu’une armée étrangère peut jouer dans de tels pays.
La débâcle finale confirme cet aveuglement car, si l’on savait que le retour des talibans était inévitable, les services américains avaient prévu une période de transition qui assurerait une certaine progressivité. La chute brutale du régime du président Ghani les a surpris et montre à quel point une force d’occupation peut être aveugle et sourde face aux réalités d’un pays où elle se croit implantée alors qu’elle n’y est qu’imposée.
Quelles leçons la France, qui a annoncé la fin de l’opération Barkhane au Sahel, peut tirer de l’échec américain en Afghanistan ?
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