Guinée : port du casque obligatoire
Voirie, barrages, réseaux d’eau potable… Les chantiers se multiplient à travers toutes les régions de la Guinée. Mais le retard à combler est énorme. Et les attentes des guinéens sont considérables.
« Nos priorités s’articulent autour de trois axes : la route, l’énergie et l’eau », souligne Mamadi Condé, qui, à la tête de l’Administration et contrôle des grands projets (ACGP), orchestre le processus d’étude et de réalisation des infrastructures engagé par l’État guinéen depuis 2011.
Selon l’administrateur général, 59 ans, surnommé Thalès pour sa rigueur scientifique, « la plupart des projets sont bien avancés », et une bonne partie d’entre eux – notamment le complexe hydroélectrique de Kaléta, en Guinée maritime – seront achevés en 2015, année de l’élection présidentielle. Et si, en ce début 2014, les chantiers semblent de plus en plus nombreux, il ne s’agit pas d’un calcul préélectoral : « Certains ont commencé cette année seulement car les études ont pris du temps, il fallait apporter des réponses appropriées aux besoins des habitants », explique Mamadi Condé.
Bonne nouvelle ! L’Europe a débloqué les 140 millions d’euros gélés depuis cinq ans.
Si, côté ferroviaire, le Transguinéen n’est plus à l’ordre du jour, les chantiers routiers, eux, vont bon train. À commencer par l’axe stratégique achevé en janvier, qui, en reliant Labé, Sériba et Bouméhoun à la frontière sénégalaise, va faciliter l’intégration sous-régionale.
Parmi les chantiers routiers les plus marquants : quelque 27 km sont actuellement bitumés dans Conakry ; la route entre la capitale et Coyah est en cours de réhabilitation ; et les 190 km entre Kankan et Kissidougou doivent l’être cette année. La construction d’une route de 100 km entre Mandiana et Kankan va également débuter.
Bouffée d’air
L’État guinéen va par ailleurs bénéficier d’un coup de pouce financier non négligeable puisqu’en saluant, le 27 janvier – après l’installation du nouveau Parlement -, la tenue des législatives qu’elle a qualifiées « d’inclusives et de pacifiques », l’Union européenne a annoncé la reprise complète de sa coopération avec la Guinée, suspendue depuis le coup d’État de 2008.
Le jour même, la Commission européenne a débloqué l’enveloppe de 140 millions d’euros gelée depuis cinq ans pour financer cinq projets de développement dans le pays. Le projet d’appui au secteur des transports (Past) en mobilisera 83 millions dans le cadre des politiques d’urbanisme et d’aménagement du territoire, afin d’améliorer le niveau de service du réseau routier. Cela permettra notamment de réhabiliter les axes entre Kissidougou et Guéckédou, et, ainsi de décloisonner la région forestière, l’un des poumons agricoles et miniers du pays.
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Pour résorber le chômage des jeunes, l’État veut ouvrir huit écoles régionales des arts et métiers, à Conakry, Boké, Kindia, Labé, Mamou, Faranah, Kankan et Nzérékoré, afin de former une main-d’oeuvre qualifiée dans le BTP. Budget global de leur construction : environ 85 millions de dollars (plus de 62 millions d’euros). Pour le moment, seul le Fonds saoudien de développement a donné son accord pour participer au financement, à hauteur de 26,5 millions de dollars. Ce qui est suffisant pour lancer le projet.
Surnommée « le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », la Guinée semble en passe de mieux exploiter son potentiel hydroélectrique. La livraison d’un barrage et d’une centrale d’une puissance de 240 MW à Kaléta (près de Kindia, en Guinée maritime), prévue en juin 2015, devrait résorber une partie du déficit énergétique qui freine le développement économique et humain du pays. Cette infrastructure aura un impact direct sur l’approvisionnement en électricité de Fria, où un poste d’interconnexion doit être installé, tout comme à Maneah (région de Kindia) et à Conakry, où le réseau électrique, en cours de modernisation, sera renforcé par une nouvelle ligne à haute tension de 110 kV d’un montant de 94 millions de dollars.
Service public défaillant cherche partenaire privé motivé
Malgré la réhabilitation – en cours – de ses infrastructures, le réseau électrique guinéen est dans un état critique, et les experts estiment que 110 millions d’euros d’investissement au minimum sont nécessaires pour le mettre à niveau.
L’État a déjà financé pour 26 millions d’euros de travaux en 2013, sans compter la location d’une centrale temporaire de 50 MW au britannique Aggreko, dont le contrat de six mois s’achève en mars.
Électricité de Guinée (EDG) mise sur la réhabilitation de la centrale de Tombo 1, à Conakry, et multiplie les efforts pour minimiser le déficit énergétique. Nava Touré, son directeur général, ne peut cependant que déplorer « le ratio peu flatteur » réalisé par l’entreprise publique, qui emploie 1 700 personnes et a produit 640 GWh seulement en 2013, couvrant à peine 60 % des besoins nationaux.
Si l’État a su éviter sa mise en faillite jusqu’à présent, « EDG a besoin d’une profonde restructuration et d’un nouveau schéma de gestion », explique Nava Touré, ajoutant qu’il est indispensable de « faire de la place au privé ».
Le processus est en cours d’élaboration avec la Banque mondiale, et des appels d’offres seront lancés prochainement pour qu’un partenariat public-privé soit effectif avant la fin de l’année.
Lampadaires
Réalisés par China International Water & Electric, les travaux représentent un budget de 446 millions de dollars, dont 25 % sont financés par l’État guinéen et 75 % par China Exim Bank. « En cinquante-deux ans, depuis l’indépendance jusqu’à l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir, le pays a installé une puissance totale de 200 MW. En cinq ans, nous la ferons passer à 340 MW », souligne Mamadi Condé.
Un autre complexe hydroélectrique (de 580 MW) est en construction sur le fleuve Konkouré, à Souapiti (moyenne Guinée), pour redynamiser les bassins industriels de Fria, Boké et Dian-Dian. Son coût : 1 milliard de dollars.
Outre l’augmentation des capacités de production, l’État a élaboré un programme de « dispatching national » qui vise à optimiser – via des logiciels – la commande et la surveillance du réseau électrique. L’État guinéen recherche actuellement les 30 millions de dollars nécessaires pour le mettre en oeuvre. Enfin, 7 000 lampadaires photovoltaïques ont été installés sur les principales artères des 33 préfectures du pays.
Accès à l’eau
Autre chantier d’aménagement urbain prioritaire : l’amélioration de l’accès à l’eau potable. Le renforcement du réseau d’adduction d’eau de la capitale doit commencer avant la fin du premier trimestre de cette année. Doté d’un budget de 15,77 millions de dollars, dont plus de 14 millions sont financés par la Banque islamique de développement (BID), ce projet concerne d’abord les quartiers défavorisés situés sur les hauteurs de Conakry tels que Hamdallaye, Koloma ou Simbaya. Dans les seules préfectures de Boké et de Télimélé, l’amélioration de l’accès à l’eau potable demande déjà 14 millions de dollars. Des chantiers similaires doivent être menés dans les villes de Gaoual, Tougue, Lelouma, Lola et Yomou.
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