« Sétif, 8 mai 1945 » : les prémices d’une repentance

Publié le 9 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Le 27 février dernier, pour la première fois, un représentant de l’État français a reconnu la réalité des massacres commis par son pays à Sétif le 8 mai 1945 et les jours qui ont suivi (voir J.A.I. n° 2311)*. À l’issue de la cérémonie de signature d’une convention de partenariat entre l’université de Clermont-Ferrand et l’université Ferhat-Abbas de Sétif, Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France en Algérie, a évoqué ce tragique événement dans une allocution émouvante dont nous reproduisons ici quelques paragraphes.

« Je salue ici, dans cet amphithéâtre de l’université Ferhat-Abbas de Sétif, la mémoire d’un homme d’État qui incarnait avec une grande dignité la rigueur intellectuelle si nécessaire dans notre monde compliqué, ainsi que l’exigence de justice et de liberté de son peuple. Aussi me dois-je d’évoquer également une tragédie qui a particulièrement endeuillé votre région. Je veux parler des massacres du 8 mai 1945, il y aura bientôt soixante ans : une tragédie inexcusable. Fallait-il, hélas, qu’il y ait sur cette terre un abîme d’incompréhension entre les communautés pour que se produise cet enchaînement d’un climat de peur, de manifestations et de leur répression, d’assassinats et de massacres !
« Le 8 mai 1945 devait être l’occasion de célébrer l’issue tant attendue d’une guerre mondiale, pendant laquelle tant des vôtres avaient donné leur vie pour notre liberté, cette liberté qui devait être celle de tous les Algériens. Ce fut hélas un drame. Celui-ci a marqué profondément, nous le savons bien, les Algériens qui, dès cette époque, rêvaient de liberté. Ferhat Abbas était de ceux-là. Le jeune Kateb Yacine en était aussi.
« On parle souvent, entre la France et l’Algérie, d’une « mémoire commune », liée à mille faits quotidiens tissés entre les communautés musulmane, juive et chrétienne pendant la période coloniale. « Mémoire commune » certes, de voisinage et parfois d’oeuvres collectives ; mais aussi « mémoire non commune », chargée de ressentiments, d’incompréhensions, d’hostilités. Il n’y a jamais unicité des mémoires, ni d’explication catégorique ou définitive des grands événements historiques, comme il ne peut y avoir concurrence des victimes, ni négation des malheurs, quels que soient ceux-ci.
« Les jeunes générations d’Algérie et de France, la vôtre en l’occurrence, n’ont aucune responsabilité dans les affrontements que nous avons connus. Cela ne doit pas conduire à l’oubli ou à la négation de l’Histoire. Mieux vaut se charger lucidement du poids des bruits et des fureurs, des violences des événements et des acteurs de cette Histoire, en évitant si possible les certitudes mal étayées, voire les jugements réciproques. Cette charge est lourde et le travail à mener considérable. »

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* Nous aurions dû mentionner dans ce document que les photos reproduites page 49 ainsi qu’en couverture du journal avaient été prises lors de mises en scène orchestrées par les autorités coloniales plusieurs jours après les « événements ». Il n’existe en effet aucune image de la terrible répression à laquelle se sont livrés les Français.

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