Quatre hommes et leur destin

Le remaniement du 1er mai pourrait être grossièrement illustré par le profil de quatre hommes. Le ministre qui est parti avait fait l’unanimité contre lui. Celui qui revient n’a jamais quitté réellement la sphère décisionnelle en matière économique. Le ma

Publié le 10 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Abdelatif Benachenhou Le partant
C’est à peine s’il ne traitait d’ignares les parlementaires qui « osaient » amender ses projets de loi de finances, ou encore de gauchistes en mal de barricades les syndicalistes qui dénonçaient ses penchants libéraux. Abdelatif Benachenhou quitte l’exécutif. Ils seront peu nombreux à le pleurer, tant il a réussi la prouesse de se mettre tout le monde, ou presque, à dos. Il ne parlait quasiment plus à ses collègues et n’assistait plus aux Conseils de gouvernement depuis plusieurs mois. Proche du président, cet universitaire au ton cassant croyait jouir d’une immunité infaillible. « Boutef » a fait ce qu’il a pu pour le protéger, mais ses adversaires étaient trop nombreux, et son maintien aurait durablement paralysé l’exécutif. Toutefois, le professeur agrégé en sciences économiques, âgé de 62 ans, ne devrait pas rester inactif. Son ancien bureau de conseiller à la présidence lui est toujours ouvert. Il le retrouvera avec plaisir, d’autant que son nouveau statut lui permettra d’assister et de participer aux colloques et autres conférences internationales où il pourra disserter à son aise sur l’économie algérienne.

Abdelhamid Temmar Le revenant
Cet ancien camarade de classe de Bouteflika est un « Malgache », surnom donné aux collaborateurs de feu Abdelhafid Boussouf, ministre de l’Armement et des Liaisons générales (MALG, ancêtre de la Sécurité militaire) du temps du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Au lendemain de l’indépendance, il est directeur de cabinet du ministre de la Jeunesse et des Sports, un certain Abdelaziz Bouteflika. La politique le lasse vite, et il finit par retrouver son statut d’universitaire avant de se lancer, avec succès, dans une carrière de consultant international. À son tableau de chasse : l’ONU, le FMI, la Sonatrach ou encore le Pnud.
Quand Bouteflika accède aux affaires, en 1999, il fait appel à ses compétences et à son carnet d’adresses. Temmar hérite, en 2000, du ministère chargé des Privatisations. Mais l’universitaire prend le pas sur le politique. Il fait montre de maladresse, alors que son long séjour à l’étranger l’a coupé des réalités du terrain. Conséquence : il est diabolisé par les syndicats. Son discours sur la globalisation et ses thèses ultralibérales en font un épouvantail dans un pays qui a du mal à sortir de quatre décennies de socialisme.
Le président fait marche arrière, Temmar quitte le gouvernement pour se consacrer à la réélection de son ami. Il est l’auteur du programme économique du candidat « Boutef », donc du plan de soutien à la croissance économique, les fameux 55 milliards de dollars d’investissements publics. Il retrouve son fauteuil ministériel trois ans après l’avoir quitté. Une mauvaise nouvelle pour les syndicats et l’opposition trotskiste représentée au Parlement.

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Mohamed Bedjaoui Le magistrat
Difficile de trouver un terme générique pour résumer la carrière de Mohamed Bedjaoui. Docteur en droit de l’université de Grenoble en 1952, l’ancien conseiller juridique du GPRA fut diplomate au lendemain de l’indépendance, puis ministre de la Justice (1964-1971). Durant les huit années suivantes, il a été ambassadeur en France et auprès de l’Unesco. En 1979, il est désigné représentant permanent auprès des Nations unies et devient, à ce titre, un des meilleurs connaisseurs du dossier du Sahara occidental, pomme de discorde avec le voisin marocain. En 1982, il quitte la Maison de verre de New York pour la Cour internationale de justice de La Haye. Il y passera près de vingt ans, devenant successivement président de chambre puis président de la Cour elle-même.
Auteur de nombreux ouvrages, Mohamed Bedjaoui a formé la quasi-totalité des diplomates algériens qui comptent. Malgré son âge avancé (76 ans), il incarne le courant moderniste chez les dirigeants algériens, à l’instar d’un Mostefa Lacheraf ou d’un Réda Malek. Érudit sans être pédant, mélomane (il est le seul ministre à avoir assisté à un concert donné à Alger, en 1964, par Jacques Brel) et poète à ses heures, Mohamed Bedjaoui a dirigé la commission électorale lors de la présidentielle de 1999. En 2001, il devient président du Conseil constitutionnel. Sa nomination à la tête de la diplomatie donne un cachet particulier au remaniement annoncé le 1er mai. Bedjaoui le vieux moderniste succède, en effet, à Abdelaziz Belkhadem, « jeune » figure de proue des conservateurs du sérail, appelés communément les « barbeffélènes ». Sa longue expérience et ses talents de négociateur seront d’un grand secours pour la diplomatie algérienne.

Général-major Abdelmalek Guenaïzia La surprise du chef
C’est sans doute l’homme que l’on n’attendait pas. Faisant partie des généraux les plus influents durant les années 1980, l’ancien chef d’état-major (1989-1992) a quitté l’armée algérienne à l’un des moments les plus délicats de son histoire : quelques mois après l’assassinat du président Mohamed Boudiaf par un membre de la garde présidentielle. Cet artisan de l’interruption du processus électoral en janvier 1992, qui semblait devoir aboutir à une victoire des islamistes du FIS, était en désaccord avec ses pairs Khaled Nezzar et Mohamed Lamari. C’est donc ce dernier qui lui succède quand il claque la porte de la grande muette. Il troque l’uniforme et les galons contre un costume d’ambassadeur à Berne, en Suisse.
Le règlement stipulant qu’un officier ayant été radié des effectifs perd son statut de militaire, c’est donc un civil qui a été nommé par Bouteflika pour le suppléer en tant que ministre délégué à la Défense. Ancien de l’armée française, Abdelmalek Guenaïzia n’est pas réputé proche du chef de l’État. Toutefois, les deux hommes ont un ami commun : le général à la retraite Larbi Belkheir, directeur de cabinet du président. Ce n’est pas le moindre des arguments.

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