« Respect » : un biopic à la gloire d’Aretha Franklin

Réalisé à la sauce hollywoodienne, « Respect » revient sur la vie de la Queen of Soul. Un long métrage dans la pure tradition des « biopics » américains, peut-être un peu trop lisse pour un personnage aussi exceptionnel.

Affiche du film « Respect » de Liesl Tommy © MGM Pictures

Affiche du film « Respect » de Liesl Tommy © MGM Pictures

Renaud de Rochebrune

Publié le 10 septembre 2021 Lecture : 4 minutes.

Certes, Aretha Franklin n’est pas l’auteure du film. Ce qui aurait été difficile, évidemment, puisqu’elle est morte à 76 ans en août 2018, avant sa réalisation. Mais ce biopic consacré à l’enfance puis à la première moitié de la vie de la « Queen of soul » peut passer – jusqu’à un certain point – pour une œuvre, la dernière, d’Aretha Franklin. Non seulement, tout est raconté du point de vue et du seul point de vue de l’héroïne (dans la pure tradition américaine du genre), mais, de surcroît, la chanteuse a elle-même ratifié le choix de celle qui jouerait son rôle, peu avant sa disparition : Jennifer Hudson. Laquelle se contente, non sans talent il est vrai, de proposer une composition aussi fidèle que possible à l’originale.

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Une enfance sous emprise

Respect, du nom d’un des plus grands succès d’Aretha Franklin, n’est pas pour autant une aimable hagiographie. Les péripéties de l’existence pour le moins cabossée de la native de Détroit la rendaient impossible. Qu’on en juge. Comme le montrent les premières images du film, la future diva est, dès son plus jeune âge, le jouet d’un père très autoritaire qui empoisonnera longtemps son existence, même lorsqu’elle sera devenue adulte. Elle n’a pas dix ans quand il la réveille régulièrement au milieu de son sommeil pour se glorifier devant ses invités du talent vocal inné de sa fille pré-pubère, la faisant chanter, en chemise de nuit, lors des nombreuses réceptions qu’il donne en tant que révérend responsable d’une église baptiste très populaire. Et il lui brisera le cœur en la séparant peu après de sa mère adorée, virtuose du chant elle aussi, répudiée loin de son mari tyrannique et narcissique à l’excès. Avant de mourir prématurément dans un accident.

Tout au long de sa vie, ses contacts avec les hommes sont marqués par la violence

Ses contacts avec les hommes sont marqués, tout au long de sa vie, par la violence et un manque absolu de respect envers sa personne. À peine sortie de l’enfance, après avoir subi des viols par des proches de la famille sans que nul ne tente ou, en tout cas, ne réussisse à la protéger, elle se retrouve mère de deux garçons à 14 ans. Et, sans doute pour tenter de prendre de la distance avec son père, elle épouse très tôt un individu pour le moins toxique, Ted White, petit escroc hâbleur et séducteur de comédie, vaniteux, à qui elle déléguera longtemps, pour son malheur, la responsabilité de son destin aussi bien sentimental que professionnel. Ce qui mènera cette travailleuse acharnée jusqu’au burn out et aux affres de la dépression et de l’alcoolisme.

Dix ans de hits

C’est en rencontrant, contre son avis et celui de son révérend de père, trop longtemps resté son impresario, un nouveau producteur et directeur artistique qui lui veut réellement du bien – Jerry Wexler – qu’Aretha Franklin réussira à changer de répertoire. Elle pourra alors, petit à petit, prendre elle-même les rênes de sa carrière.

Aretha Franklin est jouée par l'actrice et chanteuse Jennifer Hudson © MGM PICTURES

Aretha Franklin est jouée par l'actrice et chanteuse Jennifer Hudson © MGM PICTURES

Jusque là, bien que repérée et couvée par le grand studio de la Columbia, elle ronronnait gentiment en reprenant des standards. Désormais, avec ses propres morceaux qui mêlent les influences du gospel et du rythm’n’blues, elle va enchaîner les hits pendant une bonne dizaine d’années, méritant bien son surnom de Reine de la Soul. Jusqu’à ce qu’elle décide, couronnant une nouvelle rédemption après une période difficile, de revenir, pour un enregistrement public en 1972, au « pur » gospel de ses débuts.

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L’album Amazing Grace qui en résultera, sera, à la surprise de tout son entourage artistique qui craignait un rétrécissement de sa popularité, un immense succès, le plus grand de sa trajectoire déjà colossale. C’est sur cet épisode on ne peut plus positif du parcours de la chanteuse que se termine Respect, un titre bien illustré par cette fin glorieuse. Qui permet de faire l’impasse sur les décennies suivantes où s’alterneront les hauts et les bas et un affaiblissement certain de sa créativité musicale.

Martin Luther King et Angela Davis

Le film rend aussi justice, sans doute trop rapidement, à l’artiste engagée qu’elle fut tout au long de sa vie. Pour une fois, son père, ami de Martin Luther King, joue un rôle éminemment positif en lui faisant connaître le révérend déjà célèbre pour son combat non-violent pour les droits civiques. Elle restera fidèle au prix Nobel de la paix jusqu’à son assassinat, ne refusant jamais de chanter pour soutenir ses initiatives. Et se montrera toujours disponible pour stimuler le progrès social et faire avancer la cause des Noirs américains, quitte à choquer certains en manifestant sa solidarité envers Angela Davis. D’où le choix de Barack Obama, beaucoup plus tard, de l’inviter à se produire lors de son investiture, en tant que supportrice infatigable de la promotion des Africains-Américains.

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Peu loquace concernant sa vie intime et la difficulté à mener de pair une vie de femme, de mère et d’artiste mondialement connue, Aretha Franklin reste un personnage nimbé de mystère. Ce n’est pas ce film au déroulé linéaire et quelque peu superficiel qui permettra d’en savoir davantage. Reste que la réalisation à la sauce hollywoodienne de l’Américano-Sud-Africaine Liesl Tommy permet au spectateur de Respect de bénéficier de l’écoute de nombreuses chansons, parfois en entier. Rien que pour cela, on ne peut faire la fine bouche, bien que ce long-métrage reste sans originalité et sans réels moments de cinéma durant plus de deux heures.

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