RDC : « Il faut sanctionner ceux qui ont détourné les moyens alloués à la lutte contre l’insécurité dans l’Est »

Pourquoi l’état de siège, décrété début mai, n’a-t-il pas permis de faire reculer la violence en Ituri et au Nord-Kivu ? Réponse avec Bertin Mubonzi, le président de la commission Défense et sécurité de l’Assemblée nationale congolaise, qui s’apprête à rendre son rapport d’évaluation.

Soldats congolais près du village de Kibumba, près de Goma, en février 2021. © ALEXIS HUGUET/AFP

Soldats congolais près du village de Kibumba, près de Goma, en février 2021. © ALEXIS HUGUET/AFP

Publié le 9 septembre 2021 Lecture : 4 minutes.

Voici plus de quatre mois que l’état de siège a été décrété dans l’est de la RDC. Mais pour quels résultats ? Selon le mouvement Lucha, 533 personnes ont été tuées entre les seuls mois de mai et juillet dans le Nord-Kivu et en Ituri, un bilan qui questionne l’efficacité des mesures annoncées par le président Félix Tshisekedi.

La commission Défense et sécurité de l’Assemblée nationale s’est penchée sur le sujet et présentera, ce vendredi 10 septembre, son rapport d’évaluation. Son président, Bertin Mubonzi, dénonce le détournement des moyens mis à disposition de la lutte contre l’insécurité et recommande des sanctions contre plusieurs responsables militaires et politiques.

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Jeune Afrique : Ces dernières semaines, votre commission a auditionné plusieurs membres du gouvernement et des services de sécurité. Qu’en retenez-vous ?

Bertin Mubonzi : Il y a une réelle volonté politique de voir l’état de siège couronné de succès. Mais certaines personnes ont détourné les moyens mis à disposition de l’opération et cela, c’est inacceptable. Je ne peux pas vous donner des noms, parce que c’est un dossier très sensible, mais il me paraît inconcevable que tout le monde ne comprenne pas que le retour de la paix et de la sécurité est une priorité absolue.

Pourquoi, selon vous, l’état de siège ne produit-il pas de résultats satisfaisants ?

C’est vrai qu’il y a encore des attaques et qu’il faut continuer à mener des actions sur le terrain, en adaptant notre stratégie à la guerre asymétrique qui nous est imposée dans ces régions.

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Toutefois, on ne peut pas dire que les résultats ne sont pas satisfaisants. Les opérations ont tout de même permis de mettre une réelle pression sur les groupes armés, dont certains ont déposé les armes. Des réseaux mafieux, qui prospéraient sur l’économie de la guerre et nuisaient à l’efficacité de nos actions, ont en outre été démantelés et nous espérons que les responsables seront sanctionnés.

Concernant les combattants qui se sont rendus, il semble que certains n’ont pas été correctement pris en charge et sont déjà retournés dans le maquis…

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C’est une nouvelle équipe qui a été mise sur pied pour gérer le programme de désarmement et de démobilisation. Elle a élaboré une nouvelle feuille de route et je ne doute pas que le nouveau dispositif sera l’un des maillons forts de la stratégie de lutte contre les groupes armés, en même temps que l’un des piliers du développement économique des régions de l’Est. Je reste positif pour la suite.

En août, la nomination d’un ancien rebelle, Tommy Tambwe Ushindi, à la tête de la coordination nationale du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation a suscité la polémique. Qu’en pensez-vous ?

Il est tout a fait conscient de l’ampleur de la tâche qui l’attend et la commission que je dirige aura bientôt une séance de travail avec ses équipes. J’ajoute que ce qui m’intéresse, c’est sa maîtrise de la cartographie des groupes armés ainsi que son expérience dans plusieurs initiatives en faveur de la paix. Le reste ne nous fera pas avancer.

Des négociations avec les Forces démocratiques alliées (ADF) et avec d’autres groupes armés sont-elles envisagées ?

Avec les groupes armées locaux, pourquoi pas : ce sont des Congolais qui, pour une raison ou une autre, prennent une position. On peut les approcher, identifier leurs frustrations, les désactiver et les réintégrer dans la communauté.

Beaucoup de ceux qui rejoignent les groupes armés, y compris les ADF, ne le font pas pour des raisons idéologiques mais pour des questions économiques et parce que cela leur confère un statut social. En outre, par endroits, les ADF se sont fondus dans la population, et il est devenu très difficile de dire qui en fait partie. On ne peut pas simplement dire il y a les « bons » et les « méchants », la réalité est beaucoup plus complexe.

Il me semble prématuré d’imaginer que l’état de siège sera sans effet

Et si l’état de siège ne donne pas les résultats escomptés, quelle est la prochaine étape ?

La déclaration de guerre, selon nos textes. Mais la question est de savoir la guerre contre qui ?

Par ailleurs, comme je vous le disais, il me semble prématuré d’imaginer que l’état de siège sera sans effet. Je reste convaincu que si nous saisissons le taureau par les cornes, si nous nous impliquons tous pour appuyer la démarche du président de la République et pour soutenir nos vaillants militaires qui sont au front dans des conditions extrêmement difficiles, l’insécurité finira par appartenir au passé. Mais cela suppose aussi que la haute hiérarchie prenne des décisions, pour extirper le mal au sein de nos forces de défense et sécurité.

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