Jésus en mission chez Confucius

Le nombre des chrétiens – catholiques et protestants de toutes obédiences – ne cesse d’augmenter : ils sont déjà plusieurs dizaines de millions !

Publié le 9 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Le Parti communiste chinois (PCC) compte encore 70 millions de membres. Assez pour faire rougir d’envie ce qui reste des partis frères à travers le monde. Mais ce chiffre est aujourd’hui largement inférieur à celui des « croyants » : plus de 100 millions, de source gouvernementale. À eux seuls, les chrétiens – catholiques et protestants de toutes obédiences – regrouperaient plusieurs dizaines de millions de fidèles. On se pince pour y croire : les Chinois sont désormais plus nombreux à chanter des cantiques qu’à entonner l’Internationale !
C’est dans la ville de Xian, dans le centre du pays, que l’on trouve la trace la plus ancienne de la présence du christianisme en Chine. Sur une stèle datée de 635 figure en effet cette épigraphe : « La religion jing se répand dans le grand empire Qin. » Or jing, en chinois, signifie « christianisme ». Selon les archives impériales, le chef de la dynastie Tang, séduit par cette religion, ouvrit les portes de la Chine aux soldats du Christ avant de se convertir au bouddhisme et de donner l’ordre de chasser ou de tuer les missionnaires. Ce qui n’empêchera pas ces derniers de revenir, quelques siècles plus tard. En 1294, le Français Jean de Monte Corvino fut envoyé en Chine par le pape pour y poursuivre la mission évangélisatrice de ses prédécesseurs. À nouveau, les missionnaires furent d’abord bien accueillis, puis exterminés après la mort de leur protecteur.
En dépit de ces vicissitudes, la religion chrétienne réussit donc assez tôt à prendre pied en Chine, en adaptant son rituel aux coutumes locales – lors des funérailles, notamment -, ce qui fit d’ailleurs grincer quelques dents au Vatican. Mais sait-on qu’on doit aux jésuites la construction du fameux Palais d’été, à Pékin ?
Impossible, aujourd’hui, de se voiler la face : après les jours sombres – pour les catholiques, comme pour bien d’autres – de la Révolution culturelle, le nombre des croyants est en constante augmentation. Le livre de David Aikman, le correspondant du Times à Pékin (Jésus à Pékin) et le documentaire télévisé du journaliste dissident Yuan Zhiming, aujourd’hui pasteur aux États-Unis, le confirment : dans le grand vide laissé par la faillite de l’idéologie communiste, le christianisme a fait son nid.
Les sociologues chinois fournissent du phénomène une explication simple. Leurs concitoyens seraient d’un naturel anxieux et superstitieux. La dureté de leurs conditions de vie à la campagne et les injustices dont ils sont souvent victimes les pousseraient dans les bras des chrétiens. Et puis, il y a l’influence de l’Amérique… Quand les étudiants chinois rentrent dans leur pays après s’être formés – et, souvent, convertis au protestantisme – aux États-Unis, ils y propagent naturellement leur nouvelle foi, surtout dans les grandes villes. Leur influence s’ajoute à celle des évangélisateurs de toutes origines, à qui les autorités laissent le champ libre à l’intérieur des familles. Mais il y a aussi beaucoup de conversions spontanées, sans intervention extérieure, suscitées par un sincère besoin de croire quand ce n’est pas par la découverte d’une simple Bible. À leur tour, ces gens-là deviennent des prosélytes… Cette diversité observée chez les nouveaux chrétiens est à l’origine des variations relevées dans l’observance des différents cultes. À la campagne, certains croyants lèvent les bras vers le ciel, les joues inondées de larmes pour chanter les psaumes… à l’instar des Noirs américains, qui, eux, préfèrent toutefois danser.
Les catholiques communiquent avec Rome essentiellement par le biais de l’Église de Hong Kong. Le Vatican nomme régulièrement des cardinaux et des évêques, mais les autorités chinoises refusent obstinément de les reconnaître.
Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, des sectes portant le nom du Christ apparaissent un peu partout dans le pays, surtout dans des villages reculés. Au début des années 1990, l’une d’elles, Foudre Orient, avait réussi à embrigader plusieurs dizaines de milliers de personnes en prêchant qu’un nouveau messie était né en Chine et qu’il s’agissait d’une femme. Après de multiples crimes, escroqueries, viols et autres tortures commis sur des chrétiens qui lui refusaient leur adhésion, la secte fut démantelée par la police…
L’élection du nouveau pape a suscité un réel enthousiasme chez les chrétiens chinois. Quant aux autorités, elles se sont abstenues d’envoyer un représentant à Rome pour les obsèques de Jean-Paul II, mais ont néanmoins adressé un message de bonne volonté à son successeur : la Chine est prête à rétablir ses relations diplomatiques avec le Vatican, à condition que Rome ne se mêle pas de ses affaires intérieures, c’est-à-dire s’abstienne de nommer les évêques ou les cardinaux chinois. L’ennui est que c’est sans doute là, pour Rome, le seul point non négociable. L’histoire de la papauté, depuis deux millénaires, est jalonnée de conflits avec les pouvoirs laïcs sur cette question, à ses yeux essentielle, de la nomination des évêques.
Pour le reste, on peut discuter, et il n’est pas invraisemblable que le Vatican finisse un jour par reconnaître qu’« il n’est de Chine que celle de Pékin ». Et pour une raison bien simple : on ne recense, à Taiwan, que trois cent mille catholiques. Une autre échelle… Jean-Paul II lui-même en était très conscient. À plusieurs reprises, il avait exprimé son désir de se rendre en Chine, tout en sachant, bien sûr, que ce voyage ne pourrait avoir lieu tant que l’ambassade du Vatican n’aura pas été transférée de Taipei à Pékin. Benoît XVI franchira-t-il le pas ? Sera-t-il le pape qui parviendra à nouer des relations avec la Chine ? Dans l’immédiat, il y a tout lieu d’en douter. À terme, sait-on jamais ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires