En quoi le Coran est féministe
La vision négative du beau sexe semble être une tradition monothéiste bien établie. Mais une lecture attentive et objective du texte sacré de l’Islam permet d’y trouver un réel penchant féministe.
La féminité à l’origine de la création
Plusieurs versets coraniques nous apprennent que notre Créateur a choisi à l’origine de chaque être humain une esquisse féminine : « Humains, prémunissez-vous envers votre Seigneur. Il vous a créé d’une personne unique dont Il tira pour celle-ci son pair », verset 1 de la sourate 4.
Personne unique ! Le féminin se retrouve ici aussi : « C’est Lui qui vous a créé d’une âme unique… quand il l’eût recouverte, elle conçut un léger fardeau », verset 189, sourate 7. L’allusion à un élément féminin est évidente.
Continuons notre parcours coranique par le verset 6 de la sourate 39 : « II vous a créé d’une âme unique, qu’ensuite à partir d’elle-même Il dota d’un pair ». On y trouve le verbe khalaka qui veut dire « créer » et aussi le verbe ja’ala qui ajoute la notion de transformation. Transformation à partir de quoi ? C’est l’embryologie qui nous donnera des éléments de réponse.
L’embryologie nous apprend que les ébauches de l’appareil génital de l’embryon humain sont potentiellement féminines, d’où l’usage d’un terme féminin (nefs). C’est l’intervention des hormones sexuelles qui déterminera la masculinisation.
L’élément mâle s’efface devant l’élément femelle
À l’échelle cellulaire. Il s’agit du rôle essentiel du cytoplasme de l’ovocyte. Celui-ci offre son noyau et son cytoplasme qui est nécessaire à l’activation du noyau du spermatozoïde. C’est ainsi que l’initiation du programme génétique mis en oeuvre dans le développement embryonnaire tient au gamète femelle.
Et aussi à l’échelle chromosomique. Les chromosomes des cellules femelles ont eux aussi un traitement de faveur. À un stade précoce du développement embryonnaire, un zygote (oeuf) mâle reçoit un seul chromosome X actif provenant de la mère, et le zygote femelle en reçoit deux, un du père et un de la mère.
Rappelons que la différenciation sexuelle est due aux chromosomes sexuels XX chez la femme et XY chez l’homme.
La femme dans l’histoire religieuse
Dans l’histoire de Moïse, c’est le rôle de sa mère qui est mis en évidence dès qu’il fut né. C’est elle que Dieu a choisie pour lui inspirer un stratagème assurant la vie sauve à son fils. Il lui a aussi confié la mission d’être sa nourrice exclusive. Cet exemple souligne la dépendance de l’enfant à sa mère, dépendance qui accentue encore au profit de la femme la rupture de la symétrie entre les sexes, déjà provoquée par la gestation. Cette dépendance entraîne une continuité qui offre, à son tour, l’opportunité d’une transmission portant sur un tout autre objet que la transmission biologique, la transmission culturelle. Moïse sera ainsi constamment en phase avec son peuple.
À Marie, la mère de Jésus, sont consacrés 25 versets dans un chapitre (sourate) qui porte son nom. Zaccharie et Abraham n’ont droit, respectivement, qu’à 15 et 10 versets. C’est elle qui reçoit le verbe de Dieu et s’isole dans un état de pureté absolue pour la prière.
La femme peut prendre les commandes
Le Coran le confirme et nous décrit la reine Belkis jouissant d’une grande dignité, régnant avec prudence, consultant son conseil pour les affaires de l’État. L’image de Belkis est celle d’un monde féminin gentil, prudent où la passion sauvage de l’homme est apprivoisée.
La femme dans le couple
Complétons le verset 189 de la sourate 7 : « Lui qui vous a créé d’une âme unique, dont Il tira le pair, pour que ce dernier trouvât auprès d’elle la paix… » Voici donc le rôle apaisant de la femme dans le couple. Et, dans ce couple, la femme a conclu avec l’homme un pacte, et quel pacte ! Les versets 20 et 21 de la sourate 4 nous le rappellent solennellement : « Si vous voulez substituer une épouse à une autre, eussiez-vous donné à l’une d’elles un quintal d’or, n’en récupérez pas une miette. Le feriez-vous au prix d’une infamie, d’un péché flagrant ? Et comment le feriez-vous, quand vous avez accédé l’un à l’autre, et qu’elles ont reçu de vous un si grave engagement ? »
Quel homme oserait défier cette protection coranique de la femme ? Quel homme honnête pourrait oublier si facilement cet engagement moral ?
La polygamie
Le lecteur peut rester sceptique et m’objecter : « Que faites-vous de la polygamie ? » Elle serait antiféministe, en effet, si l’on amputait le verset qui la conditionne. La condition, ici, est la présence d’orphelins. C’est la crainte d’être injustes avec ceux-ci qui rend licite une certaine forme de polygamie : la polygamie qui règle un problème social et non la polygamie souhaitée par ceux qui ont un problème avec leur libido !
Le Coran est le premier texte sacré qui donne une forme restrictive à la polygamie. Il n’y a aucune restriction de ce genre ni dans l’Ancien ni dans le Nouveau Testament. Aucune restriction non plus chez les hindous, les zoroastriens, etc. Ne s’agit-il pas d’un geste protecteur de la femme ?
* Professeur à la faculté de médecine d’Alger. Ce texte a été écrit à l’occasion de la Journée de la femme, le 8 mars 2005.
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