Alerte à la famine
Sécheresse, ravages des criquets au cours de la dernière saison, greniers vides… La crise alimentaire menace au Niger, au Burkina et au Mali. Et s’est même installée dans certaines régions.
Il y a urgence… L’organisation humanitaire Action contre la faim (ACF) a tiré la sonnette d’alarme le 2 mai en appelant la communauté internationale à prendre des mesures drastiques pour éviter que la crise alimentaire ne s’aggrave au Mali et au Niger. « Nos enquêtes nutritionnelles dans l’extrême nord du Mali montrent qu’un enfant de moins de cinq ans sur trois souffre de malnutrition aiguë », assure ACF. La sécheresse et les nuages de criquets durant la dernière campagne agricole ont semé la désolation sur la zone sahélienne. Les greniers sont vides, la terre se fendille, la population attend avec impatience les premières pluies en juin et les récoltes en septembre. Mais d’ici là, il faut tenir. Traditionnellement, cette « période de soudure » est source d’inquiétude, mais cette année elle se révèle particulièrement cruelle.
Au Mali, plus d’un million de personnes souffrent de la sécheresse, à Kayes, Koulikoro, Mopti, Tombouctou, Gao, mais surtout Kidal, où « des villageois, trop éloignés pour entamer un long voyage avec leur cheptel, se retrouvent coincés, sans vivres », affirme Pablo Recalde, du PAM (Programme alimentaire mondial). Alertées, les autorités ont procédé à des distributions alimentaires dès le mois d’octobre pour limiter les mouvements de population. Toutefois, une centaine de communes connaissent encore de sérieuses difficultés ; aussi prévoit-on d’y acheminer 12 500 tonnes de nourriture, des semences et des aliments pour animaux.
Au Burkina Faso voisin, Philippe Ki, de l’ONG Afrique verte, décrit également une situation alarmante dans les provinces du Nord : « Le sac de mil dépasse les 19 000 F CFA à Gorom-Gorom, la mare de Dori est à sec et les éleveurs bradent leur bétail à moitié prix. » Le gouvernement a donc décidé de vendre à prix modéré 10 000 tonnes de mil dans les zones les plus affectées.
Les populations des provinces de Tillaberi, Tahoua, Maradi, Zinder et Diffa au Niger sont confrontées à une disette importante : d’après le PAM, 2,5 millions de personnes se trouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité alors que le déficit de la dernière campagne céréalière est estimé à 223 448 tonnes. Le sac de mil de 100 kg dépasse 23 000 F CFA sur certains marchés, et les ruptures d’approvisionnement sont fréquentes. Les populations quittent les villages, à la recherche de nourriture, mais aussi de pâturages pour les troupeaux. Des familles entières ont pris la route pour Niamey dès le mois d’octobre. Ceux qui restent doivent se contenter de peu, constitué au mieux de farine de manioc, au pire d’une amande extraite d’une plante sauvage et réduite en bouillie, la Boscia senegalensis. Le taux de malnutrition aiguë atteint 13 % : il faut remonter à 1998 et 1992 pour retrouver des chiffres comparables. Le gouvernement nigérien a prévu de céder 67 000 tonnes de mil à 10 000 F CFA le sac de 100 kg, pour parer au plus pressé, mais aussi pour tenter de provoquer une baisse des prix. Le réseau des banques céréalières va être renforcé et une opération « vivres contre travail » a été lancée pour offrir aux paysans des moyens de subsistance, afin qu’ils puissent retourner aux champs et préparer la prochaine saison avec des semences et du fourrage livrés gratuitement dans les zones les plus touchées. Coût total de ce dispositif : 21,8 milliards de F CFA, mais les contributions des bailleurs de fonds n’ont pas dépassé 3,35 milliards.
La responsabilité de la communauté internationale est pourtant engagée, estime Philippe Ki, d’Afrique verte. Depuis une vingtaine d’années, pour répondre aux injonctions des institutions de Bretton Woods, les filières céréalières ont été libéralisées dans le cadre des plans d’ajustement structurel. Justifiée ou non par la mauvaise gouvernance, cette libéralisation a, quoi qu’il en soit, déréglé les circuits de production et d’approvisionnement des céréales qui sont livrés aux seules lois du marché. Les importations de riz asiatique et américain sont en forte augmentation pour subvenir aux besoins d’une population sahélienne toujours plus importante en raison de l’essor démographique. Aujourd’hui, les États ne peuvent plus fixer de prix plafonds, et rien n’empêche un commerçant de retenir une partie de son stock pour attendre une hausse inévitable des cours ni d’aller revendre sa marchandise au plus offrant. Sur fond de sécheresse et d’attaque acridienne, les mouvements spéculatifs s’en donnent à coeur joie.
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