Ghana : polémique autour d’un deal pétrolier de 1,4 milliard de dollars

Le Parlement ghanéen a décidé de réaliser un emprunt de 1,45 milliard de dollars pour sa compagnie pétrolière. Mais cette décision est loin de faire l’unanimité.

Les découvertes dans les deux blocs pourraient accroître la production pétrolière du Ghana de 200 000 barils par jour d’ici à 2026. © Matthew Mpoke Bigg/REUTERS

Les découvertes dans les deux blocs pourraient accroître la production pétrolière du Ghana de 200 000 barils par jour d’ici à 2026. © Matthew Mpoke Bigg/REUTERS

Publié le 14 septembre 2021 Lecture : 4 minutes.

« Et c’est ainsi qu’un pays d’Afrique de l’Ouest en difficulté a signé une aubaine de plusieurs centaines de millions de dollars pour l’un des hommes les plus riches de l’un des pays les plus riches du monde », a déploré l’entrepreneur et activiste ghanéen Bright Simons dans une tribune publiée récemment dans The Africa report.

Un milliard six cent millions de dollars : tel est le montant demandé par le ministre de l’Énergie ghanéen, Matthew Prempeh, devant le Parlement afin de les prêter à sa compagnie pétrolière la Ghana National Petroleum Corporation (GNPC). Cet emprunt devrait permettre l’achat de participations dans des blocs pétroliers exploités par deux sociétés norvégiennes Aker Energy et AGM.

Aker et AGM sont deux compagnies norvégiennes détenues par le milliardaire Kjell Inge Røkke

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Concrètement, le gouvernement souhaite acquérir une participation directe et indirecte de 37 % dans le bloc Deepwater Tano/Cape Three Points (DWT/CTP) auprès d’Aker Energy, et une participation de 70 % dans le bloc adjacent South Deepwater Tano (SDWT) auprès d’AGM Petroleum.

Aker et AGM sont deux compagnies norvégiennes détenues par le milliardaire Kjell Inge Røkke, qui a fait fortune dans le transport maritime. Aker Energy est une coentreprise à parts égales entre Aker, une société pétrolière de 7,5 milliards de dollars détenue à plus de 80 % par Kjell Inge Røkke, et un holding familial, TRG. AGM Petroleum est, quant à elle, entièrement détenue par TRG.

Plafonnement à 1,4 milliard de dollars

Un milliard trois cent millions de dollars devront permettre le rachat de participation dans des blocs pétroliers, et 350 millions de dollars serviront à couvrir des coûts de développement du champ de Pecan, qui pourrait produire du pétrole d’ici à 2024.

Les découvertes pourraient ajouter 200 000 barils par jour à la capacité pétrolière ghanéenne

Or, après plusieurs réunions et délibérations, le Parlement a décidé de réduire le financement de 1,3 à 1,1 milliard de dollars. Le montant de 350 millions de dollars pour le champ de Pecan est quant à lui maintenu. Ainsi, le Parlement ghanéen a ouvert la voie permettant au gouvernement d’emprunter 1,45 milliard de dollars pour investir dans le secteur pétrolier.

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Selon le ministère de l’Énergie, cet accord aboutira à la formation d’une société d’exploitation conjointe avec Aker Energy, AGM et GNPC Exploraco, la filiale d’exploitation de la compagnie pétrolière ghanéenne.

« Les découvertes réalisées dans les deux blocs pourraient ajouter 200 000 barils par jour à la capacité pétrolière du Ghana d’ici quatre à cinq ans, soit près du double de la production actuelle », a déclaré Matthew Prempeh. « La valeur des deux licences d’exploitation a été estimée entre 2 et 2,55 milliards de dollars », poursuit ce dernier.

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Un montant « terrifiant »

Mais les projets du gouvernement du président Nana Akufo-Addo sont loin de faire l’unanimité. Selon l’activiste Bright Simons, les estimations des deux blocs n’ont pas été faites correctement.

Selon lui, si l’analyse des risques du projet et le prix du pétrole avaient été raisonnables sur le long terme, l’évaluation correcte de l’investissement nécessaire aurait été compris entre 350 et 450 millions de dollars. Or, « l’écart entre ces chiffres et le montant de 1,1 milliard de dollars que le gouvernement du Ghana est prêt à payer est terrifiant », explique l’entrepreneur.

En prêtant cet argent, le gouvernement augmente la dette nationale de 5 %

« Il est conseillé au Ghana de ralentir ce plan hallucinant visant à accroître la richesse des milliardaires norvégiens et à accumuler des centaines de millions de dollars de nouvelles dettes et de risques financiers dans le processus », poursuit Bright Simons.

En outre, une alliance composée de quinze associations issues de la société civile s’est indignée de cet accord. « En prêtant cet argent, le gouvernement augmente la dette nationale de 5 % », affirme cette dernière dans une tribune publiée dans la presse ghanéenne.

Enfin, la compagnie pétrolière russe Lukoil, qui détient une participation de 38 % dans le bloc Deepwater Tano Cape Three Points (DWT/CTP), a déclaré ne pas avoir été mise au courant de la vente éventuelle des parts d’Aker Energy à la GNPC.

Négociations en cours

Face à ces inquiétudes, le ministre de l’Énergie s’est voulu rassurant « Nous pouvons confirmer que GNPC dispose du soutien financier et des compétences techniques nécessaires pour acquérir les participations en discussion et participer à la société opératrice, qui restera inchangée ».

Pour le gouvernement ghanéen, il s’agit avant tout de prendre des garanties pour le futur, dans le cas les actionnaires majoritaires actuels du projet, engagés dans un « tournant vert », décideraient de reconsidérer la production des deux sites.

Nous devons corriger cette impression qu’un prix a été déterminé

« Les pays occidentaux ont extrait du pétrole dans leur arrière-cour et dans nos champs, et veulent maintenant que nous y laissions le nôtre. En tant que ressortissant d’un pays en développement, j’ai beaucoup de mal à accepter cette situation […]. S’ils nous retirent les investissements, cela signifie que nous ne pourrons pas développer nos champs et que notre pétrole restera dans le sol », à déclaré le directeur général de la GNPC Kofi Koduah Sarpong.

« Nous devons donc corriger cette impression qu’un prix a été déterminé. Ce n’est pas le cas, nous sommes en train de discuter, de négocier et de nous mettre d’accord sur le prix. Le Parlement, dans sa sagesse, a fixé un plafond que nous ne devons pas dépasser. Je tiens à féliciter le Parlement d’avoir donné un seuil au ministre. Ainsi, l’allégation selon laquelle un prix a été déterminé est erronée », a souligné Kofi Koduah Sarpong.

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