AOP, IGP… Pourquoi l’Afrique doit faire certifier ses produits d’exception
Les pays africains ont tout à gagner à faire reconnaître leurs productions agricoles les plus remarquables. L’enjeu n’est pas que culturel ou identitaire, il est économique.
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Téguia Bogni
Chargé de recherche au Centre national d’éducation, au ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation du Cameroun.
Publié le 14 septembre 2021 Lecture : 3 minutes.
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Le 26 octobre 2020, le Bénin s’est vu remettre, par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), le certificat d’enregistrement de sa première indication géographique protégée (IGP) pour son « ananas pain de sucre du plateau d’Allada ». Par cet acte, il est reconnu que ce fruit présente une qualité et une réputation avérées en rapport avec son territoire de production, en plus d’un potentiel économique.
Cette reconnaissance porte désormais à quatre le nombre d’IGP dans l’espace OAPI, aux côtés du café Ziama-Macenta de Guinée, du poivre de Penja et du miel d’Oku du Cameroun, tous labellisés en 2013 au travers du Projet d’appui à la mise en place des indications géographiques (Pampig 1) dans les États africains. L’huile d’olive de Teboursouk (Tunisie) et le rooibos sud-africain, une plante d’infusion, reconnus appellation d’origine protégée (AOP) par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), s’ajoutent également à cette liste, respectivement depuis 2020 et 2021.
« Géopolitique des terroirs »
Cette succession de labellisation de produits alimentaires à haut potentiel stratégique, économique et culturel relève de « la géopolitique des terroirs », soit l’ensemble des politiques qui encadrent les produits originaires d’une aire géographique précise. Elle trouve sa source en France au début du XXe siècle. Après l’ouverture de l’Hôtel Savoy en 1889, à Londres, le Français Auguste Escoffier est appelé à diriger les cuisines. Il a la lourde tâche de concocter plusieurs centaines de plats par jour. Pour s’approvisionner en matières premières, il met en place un circuit court pour faire venir de son pays d’origine des produits du terroir presque quotidiennement.
Sept produits africains sont éligibles à une démarche d’Indication géographique protégée
Cette démarche aura comme impact, d’un côté, la valorisation et, de l’autre, malheureusement, la recrudescence de la fraude autour des produits français, notamment des vins. Une première loi sur les appellations d’origine est finalement adoptée le 1er août 1905 pour lutter contre la concurrence déloyale. Puis, le 6 mai 1919, le parlement français vote en faveur d’une loi réglementant les limites géographiques de production du vin suite à la crise du phylloxéra, une maladie de la vigne. Rappelons au passage que la dénomination IGP n’a été créée qu’en 1992.
Cacao rouge du Cameroun, pagnes baoulés…
Le Pampig 2, initié en novembre 2017 avec comme horizon septembre 2024, vient de rendre public son rapport sur les produits d’exception à même de prétendre à une IGP. On y apprend que sept produits, dont cinq alimentaires, sont éligibles à une démarche d’Indication géographique protégée auprès de l’OAPI : le cacao rouge du Cameroun, l’ananas de Friguiagbé (Guinée), le gari sohoui de Savalou et l’huile d’Agonlin (Bénin) et, enfin, l’attiéké des Lagunes et les pagnes baoulés (Côte d’Ivoire). Bien entendu, ces cinq produits restent marginaux au regard de la gastrodiversité de l’Afrique.
Dans la foulée des Pampig, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a lancé le projet Facilité IG, qui a débuté le 1er mars 2021 et se terminera le 31 décembre 2025. Il a pour but de soutenir techniquement et financièrement le développement des indications géographiques dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Ces programmes d’aide et de soutien sont des instruments d’intelligence économique. La Facilité IG est financée par le ministère français de l’Économie et des Finances et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, dans le cadre du Programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC). À travers ses organismes et instituts de recherche, Paris garde un droit de regard sur les affaires économiques de son pré carré. Mais l’Afrique a également tout à y gagner : pour ses pays, les IGP sont des identités de marque.
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