Tutu contre Mbeki

Le Prix Nobel de la paix et le chef de l’État, soutenu par Mandela, s’opposent sur l’indemnisation des victimes de l’apartheid.

Publié le 10 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Le juge new-yorkais John Sprizzo décidera d’ici à la fin du mois si les plaintes déposées sur son bureau par plusieurs associations de victimes de l’apartheid sont recevables. Se fondant sur le droit privé international, elles visent un certain nombre d’entreprises étrangères accusées d’avoir soutenu l’ancien régime ségrégationniste.
En décembre, les plaignants ont trouvé un allié de poids en la personne de Mgr Desmond Tutu. Le Prix Nobel de la paix 1984, qui est l’un des plus farouches adversaires de l’apartheid, a écrit au juge Sprizzo pour lui rappeler que le versement aux victimes de compensations financières est, à ses yeux, indispensable à la réconciliation nationale. Et que les sommes allouées par l’État sud-africain aux quelque vingt-deux mille victimes identifiées – 30 000 rands par personne, soit 3 400 euros lui paraissent très insuffisantes. En sa qualité de président de la Commission Vérité et Réconciliation (Truth and Reconciliation Commission, TRC), l’organe mis en place après la disparition du régime raciste, il avait conseillé le versement d’une somme cinq fois supérieure.
Le président Thabo Mbeki est d’un avis diamétralement opposé. Non seulement il n’a jamais jugé utile de justifier la modicité des indemnités versées, mais il a écrit, à deux reprises, au magistrat américain pour se désolidariser des procédures engagées. Manifestement, il redoute de faire fuir les entreprises et les investissements dont son pays a le plus urgent besoin. Il juge de surcroît déplacé de laver ainsi son linge sale loin de la famille, à l’étranger. En mars 2003, déjà, le chef de l’État avait catégoriquement rejeté la recommandation de la TRC d’imposer aux entreprises nationales une taxe destinée à financer l’indemnisation des victimes, suscitant l’irritation de Tutu.
En dépit de l’intervention de celui-ci auprès des autorités judiciaires américaines, Mbeki a d’autant moins l’intention de reconsidérer sa position qu’il a reçu le soutien d’un autre Prix Nobel. Et non des moindres, puisqu’il s’agit de Nelson Mandela. Entre ces positions irréconciliables, c’est donc un juge américain qui tranchera.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires