Sharon : volte-face ou ruse de guerre ?

Publié le 6 février 2004 Lecture : 3 minutes.

En annonçant à l’impromptu, le 2 février, dans une interview à Ha’aretz, qu’il projetait d’évacuer dix-sept colonies de la bande de Gaza (sur vingt et une) en partant de l’idée qu’il n’y aurait plus, dans l’avenir, aucun Juif sur ce territoire, Ariel Sharon a soudain ranimé un vieux débat : se prépare-t-il, en un tournant spectaculaire, à devenir le « De Gaulle d’Israël » ou n’y a-t-il là, pour l’éternel Sharon, qu’une ruse de guerre visant à perpétuer le statu quo et à rendre impossible une véritable paix ?

Des deux côtés, les arguments ne manquent pas. Les partisans obstinés de la vision « gaulliste » relèvent que l’État juif n’a pas d’attachement « idéologique » à la bande de Gaza. Celle-ci, d’autre part, n’a qu’un faible intérêt stratégique, tout en étant moralement et militairement difficilement défendable. 7 576 colons y vivent retranchés dans des enclaves protégées par presque autant de soldats, au milieu de 1,3 million de Palestiniens à qui routes de contournement (à l’usage exclusif des Juifs) et postes de contrôle rendent la vie impossible. Ces « gaullistes » rappellent enfin qu’Ariel Sharon n’avait pas hésité à faire évacuer par la force l’implantation de Yarmit, dans le Sinaï, au lendemain du traité de paix israélo-égyptien. De plus, en laissant entendre qu’il pourrait soumettre la question à référendum, il se donne le beau rôle, puisque, selon les sondages, 59 % des Israéliens approuveraient.

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Les sceptiques soulignent, pour leur part, que le Premier ministre n’a cessé d’évoquer des « concessions douloureuses » sans en amorcer aucune et que l’année dernière encore, il s’aventurait à proclamer que Netzarim (une colonie ultranationaliste) était aussi important que Tel-Aviv. Ils notent qu’aucun calendrier d’évacuation n’a été évoqué, le président du Conseil de sécurité nationale, Giora Eiland, ayant été seulement chargé d’élaborer un plan. Ils relèvent aussi qu’au moment où Sharon se débat dans ses difficultés judiciaires, mais doit se rendre à Washington à la fin du mois, il lui faut se présenter devant George W. Bush avec des propositions positives. Ils doutent enfin de la volonté du Grand Likoudnik d’affronter une mobilisation de colons d’une ampleur sans commune mesure avec la « résistance » de Yarmit. D’autant qu’elle est soutenue par des éléments importants de son actuelle majorité : ainsi le Parti national religieux dont le chef, Effi Eitam, ministre du Logement, a annoncé son éventuel retrait. Cela tandis qu’Eli Yishai, président de l’ultraorthodoxe Shass, accusait Sharon de « s’enfuir » de la bande de Gaza.
La solution se trouve peut-être dans une ruse à deux volets. D’une part, les défections dans l’actuelle coalition seraient compensées par le soutien du Parti travailliste. Shimon Pérès, dont le mandat de président intérimaire a été prolongé d’un an, s’est avancé jusqu’à féliciter Sharon d’avoir « adopté la politique du Parti travailliste ». Il a, dans le même temps, écarté – provisoirement ? l’idée de rejoindre un gouvernement d’« union nationale ». Mais le pas a été franchi par l’ex-président du Parti, Benyamin Ben Eliezer, tandis que l’ex- président de la Knesset, Avraham Burg, s’y opposait, il est vrai, résolument.

Deuxième volet de l’opération : Sharon troquerait Gaza contre le soutien à son véritable objectif, à savoir l’achèvement du mur dit de « sécurité » qui enfermerait les Palestiniens dans un territoire déchiqueté correspondant à 44 % de la Cisjordanie, soit 9 % de la Palestine historique – ce qui les rendrait incapables de se doter d’un véritable État. Le conflit continuerait. Et la biographie du « Guerrier » (c’est le titre des Mémoires de Sharon) s’enrichirait d’un nouveau chapitre.

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