Guinée : Alpha Condé et les quadras
Ils sont jeunes et brillants, ont étudié et vécu à l’étranger. Ces ministres ou conseillers ont intégré l’équipe de choc d’Alpha Condé, le président de la Guinée.
Ils s’appellent Moustapha Naïté, Khalifa Gassama Diaby, Koutoub Moustapha Sano ou Ibrahima Khalil Kaba. Nés à la fin des années 1960 ou au début des années 1970, ils sont ministres ou conseillers à la présidence d’Alpha Condé. Jeunes, brillants, élégants, ils sont plutôt « beaux gosses » et ont de l’entregent… Tous ont vécu à l’étranger, y ont fréquenté de grandes universités et entamé des carrières prometteuses avant de rentrer au pays. Ils se connaissent, cultivent amitiés ou liens familiaux et forment une sorte de petit club de quadras au sein de l’exécutif.
Jeunesse
Patron du fournisseur d’accès à internet Mouna, Moustapha Naïté, 37 ans, est le benjamin du groupe. Entré en politique en 2010 aux côtés d’Alpha Condé en tant que leader du Forum des jeunes de Guinée, il est devenu le porte-parole du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) durant les législatives.
Il a quitté sa fonction sensible de directeur général du patrimoine bâti public pour endosser le costume de ministre de la Jeunesse lors du remaniement de janvier. Avant sa nomination, il avait été inquiété par la justice, qui l’a condamné en première instance à dix-huit mois de prison pour « abus d’autorité et rébellion ». Il a fait appel et dit avoir « confiance en la justice ».
Réservé, presque timide, cet économiste diplômé de la prestigieuse université américaine Tufts veut poser les fondations d’un « rêve guinéen », incarné notamment selon lui par son « ami proche » Kabiné Sylla, riche importateur et intendant général du palais présidentiel, surnommé Bill Gates. « Je veux prouver aux jeunes Guinéens que le travail paie », explique le jeune père de famille.
Solidarité
Au sein du gouvernement, il sait qu’il peut compter sur d’autres jeunes politiciens, un peu plus expérimentés. À commencer par Khalifa Gassama Diaby, 41 ans, pétulant ministre des Droits de l’homme, qu’il a appelé quelques heures avant la cérémonie de passation de pouvoirs pour savoir s’il serait présent à ses côtés.
Le matin, certains de ces quadras se retrouvent au salon de thé Le Damier et commentent l’actualité politique
De l’avis de tous, ce juriste de formation, ancien président de l’Observatoire national de la démocratie en Guinée (ONDG), est un homme « à part », une sorte d’électron libre qui dit n’appartenir à aucun club… Il est aussi populaire que critiqué par ses homologues du gouvernement, qui lui reprochent son manque de solidarité et un certain franc-parler.
« Dans notre pays, on a l’impression qu’il n’y a ni lois, ni justice, ni forces de sécurité, ni élus locaux. Bref, qu’il n’y a pas d’État garantissant la sécurité, le premier des droits de l’homme », a-t-il ainsi déclaré en juillet 2013, en plein journal télévisé, après des manifestations violentes contre des coupures d’électricité à Conakry.
Action
Certains de ces quadras se retrouvent le matin au salon de thé Le Damier pour le petit déjeuner. Ils commentent l’actualité politique, les coulisses et les arcanes d’un gouvernement fraîchement remanié et dont la population attend tellement. « Nous sommes bien conscients que les Guinéens veulent du concret. Nous devons être dans l’action et les résultats », expliquent-ils.
Deux quinquagénaires se joignent parfois à eux : Damantang Albert Camara, le porte-parole du gouvernement et ministre de l’Enseignement technique, de la Formation professionnelle, de l’Emploi et du Travail, et Naby Youssouf Kiridi Bangoura, porte-parole et ministre-secrétaire général de la Présidence de la République. Rompus au discours politique – comme à la langue de bois -, ils sont tous les deux chargés d’assurer le service après-vente de la politique présidentielle, notamment auprès des médias.
Partenariats
En revanche, même si son bureau est très proche du Damier, on a peu de chances d’y croiser Koutoub Moustapha Sano, 47 ans, le ministre de la Coopération internationale. Ce père de 10 enfants est aussi l’oncle de Moustapha Naïté.
Entre deux parapheurs, dans un arabe limpide, il s’entretient avec des partenaires publics et privés d’Abou Dhabi, de Ryad, où il a étudié, de Kuala Lumpur, où il a enseigné pendant seize ans, ou encore du Maroc, où cet habitué des Causeries hassaniennes de ramadan (discussions religieuses) jouit de contacts privilégiés au Palais.
Des discussions qui portent sur des centaines de millions de dollars de dons ou de prêts accordés par les partenaires internationaux de la Guinée. « Je mène une diplomatie économique et une coopération offensive mais diversifiée, au service du développement », confie le « monsieur monde arabe » du gouvernement.
Club de quadras
S’il parle volontiers d’un « club de quadras » où les échanges sont facilités parce que ses membres ont des parcours similaires, il souligne qu’ils sont avant tout loyaux à Alpha Condé : « Il nous a donné envie de nous engager et nous ressentons le même profond attachement aux valeurs de la démocratie. »
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Un point de vue que semble partager Ibrahima Khalil Kaba, discret ministre-chef de cabinet civil à la présidence de la République âgé de 40 ans. Fils de Hadja Saran Daraba Kaba – ministre sous Lansana Conté, première femme guinéenne à se présenter à une élection présidentielle, en 2010, et actuelle secrétaire générale de l’Union du fleuve Mano (UFM) -, il a obtenu un doctorat en mathématiques à l’université de Louisiana Tech, aux États-Unis, où il a enseigné jusqu’en 2011.
Chargé, entre autres, de travailler au retour des cadres de la diaspora, il exercerait une influence grandissante auprès d’Alpha Condé, notamment grâce aux liens tissés avec le fils unique de ce dernier, Alpha Mohamed Condé. « Des histoires ! » rétorque-t-il, fustigeant au passage ceux qui « relient tout au fils du président ».
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