Cosumar : OPA sans fracas
Menés par Wilmar, des actionnaires récemment entrés au capital de Cosumar lancent une offre publique d’achat. Mais pas de quoi perturber la stratégie du sucrier.
Le 24 janvier, un consortium d’actionnaires lançait une offre publique d’achat (OPA) pour la prise de contrôle d’environ 91 % de Cosumar. La suite logique du processus de sortie du capital du sucrier marocain initié par le holding royal SNI. En avril 2013, celui-ci s’était délesté d’une première tranche de 27,5 % au profit du géant singapourien de l’agroalimentaire Wilmar. L’opération a été suivie, en janvier, par l’entrée au capital d’investisseurs institutionnels marocains, dont CNIA Saada, RMA Watanya, Wafa Assurance et Axa Assurance Maroc, qui se sont emparés d’une deuxième tranche de 26,5 %, avant de former un consortium avec Wilmar.
Ensemble, ils détiennent 54 % du capital de Cosumar, coté à la Bourse de Casablanca : bien plus que les 40 % au-delà desquels ils doivent, conformément aux règles du gendarme de la place marocaine, lancer une OPA sur les actions détenues par les minoritaires.
« Cette OPA, rendue obligatoire par le changement de contrôle, est purement technique. Nous n’anticipons pas de changements : ni dans la gouvernance, qui a vocation à être paritaire sur le long terme, ni dans la stratégie », explique Karim Chbani, responsable des investissements chez SNI. Une chose est claire : cette recomposition de l’actionnariat relève du changement dans la continuité. Mohammed Fikrat, PDG de Cosumar, le confirme : « Le partenariat avec Wilmar contribuera essentiellement à accélérer la stratégie de développement dont les bases ont été jetées en 2005. »
Expansion
Une stratégie qui repose notamment sur la diversification géographique. « Dès 2008, nous avons commencé à prospecter de la Mauritanie au Soudan, en quête de possibilités d’investissement, soutient Mohammed Fikrat. Nous envisageons aussi bien de conquérir ensemble des parts de marché que d’investir conjointement dans le raffinage ou l’extraction de sucre. » Cosumar espère ainsi doper ses exportations de sucre brut vers les marchés subsahariens. Par exemple, selon un analyste marocain qui requiert l’anonymat, « Wilmar envisage de construire une raffinerie en Afrique de l’Ouest qui serait alimentée par la production marocaine ».
Mais cette expansion pourrait être délicate. Wilmar connaît en effet des difficultés sur le continent dans la filière sucrière, selon un analyste. Le groupe a par exemple dû retarder le démarrage d’une usine au Soudan pour des raisons sécuritaires. De plus, les marchés subsahariens sont « inondés de sucre et les prix sont au plus bas, explique Edward George, analyste chez Ecobank. Les industriels du secteur, du Sénégal à la Côte d’Ivoire, traversent une mauvaise passe tandis que le Nigeria entend interdire les importations de sucre brut pour développer ses propres plantations ».
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En Afrique du Nord, Cosumar ne pourra pas se développer sur le marché algérien, fermé aux marocains. Il peut se rabattre sur la Tunisie et la Libye. Mais aussi sur l’Égypte, un pays au potentiel important, d’autant que le gouvernement envisage un large plan d’aide financière à destination des 2 à 3 millions de familles les plus pauvres.
« Ce sont des marchés où il faut jouer sur les volumes pour compenser la faiblesse des marges », conseille Kais Kriaa, patron du cabinet d’analyse financière AlphaMena, basé à Tunis.
Bastion
Au Maroc, Cosumar devrait continuer à engranger des profits, grâce au monopole dont il bénéficie et à une forte consommation de sucre (35 kg par habitant et par an). Il devrait logiquement en faire le bastion de son développement panafricain. D’abord en exportant du sucre blanc fabriqué à l’usine de Casablanca – dont les capacités vont être augmentées – à partir de sucre brut importé. Ensuite en montant en gamme grâce au développement de produits de marque à forte valeur ajoutée.
Mais un paramètre important échappe toujours à son contrôle : le prix de vente sur le marché national. « Il est subventionné, et l’augmenter signifierait un coût important pour l’État, qui cherche actuellement à assainir sa situation budgétaire, explique Youssef Lahlou, analyste chez Silk Invest, une société financière. Or les institutionnels marocains n’iront pas contre la volonté du gouvernement. »
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