Pauvre Colin Powell !

Publié le 6 février 2004 Lecture : 2 minutes.

A force d’avaler les couleuvres que lui préparent gentiment ses collègues néoconservateurs, l’indigestion menace Colin Powell. À l’aube des années 1990, à l’époque où il dirigeait l’état-major de l’armée américaine, le secrétaire d’État fut l’inventeur d’une doctrine stratégique qui porte son nom. Cette « doctrine Powell » consiste, pour l’essentiel, à n’intervenir militairement à l’étranger qu’avec une extrême circonspection, en s’étant préalablement assuré une écrasante supériorité matérielle et le soutien d’une large coalition internationale. Depuis trois ans, c’est une politique exactement opposée qui est mise en oeuvre, en Irak par exemple, par l’administration à laquelle il appartient. Isolé, marginalisé, il a été plusieurs fois tenté de démissionner, mais, impavide sous la mitraille, a finalement choisi de s’accrocher jusqu’à la fin du premier mandat de George W. Bush – mais en toute occurrence pas au-delà.
Le 5 février 2002, c’est lui qui avait été chargé d’exposer devant le Conseil de sécurité de l’ONU les prétendues preuves de l’existence d’armes de destruction massive irakiennes. On sait par plusieurs témoignages qu’il rejeta avec rage certains documents préparés à son intention par les boute-feux du Pentagone : « Je ne vais quand même pas lire ça ! » Son argumentation, à laquelle il ne croyait sans doute pas lui-même, ne convainquit que ceux qui désiraient l’être. Aujourd’hui, les faits sont là : Saddam ne disposait pas de stocks d’armes prohibées. David Kay, l’ancien chef des inspecteurs américains en Irak, l’a admis sans ambages : « Nous nous sommes tous trompés. » Une commission d’enquête indépendante a été chargée d’établir si les responsables américains se sont effectivement trompés ou s’ils ont délibérément manipulé les services de renseignements.

Reste, bien sûr, à s’expliquer devant l’opinion. Les ténors de l’administration s’y emploient, chacun à sa manière. Celle de Powell, dans une interview au Wall Street Journal du 4 février, est particulièrement embarrassée. « L’administration a fait le bon choix [en Irak], explique-t-il, et je pense que l’Histoire le démontrera. » Solidarité gouvernementale minimale, à neuf mois de la présidentielle, mais le journaliste insiste : « Si vous aviez su que l’Irak ne possédait pas de stocks d’armes prohibées, auriez-vous recommandé l’invasion ? » « Je ne sais pas », concède le secrétaire d’État. L’existence de telles armes était en effet la « petite pièce finale » qui permettait de croire à « la réalité et à l’imminence du danger », à l’existence d’une « menace pour la région et pour le monde ». « Oui, s’impatiente notre confrère, mais en l’absence de stocks… » « Leur absence change le calcul politique, reconnaît Powell. Il change la réponse à apporter. Et la formule que j’ai été amené à mettre au point. » Ouf, le morceau est lâché. Pauvre Colin Powell !

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