Patte blanche

Publié le 10 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Qu’on ne se méprenne pas sur mon propos ! Je suis personnellement contre, parfaitement contre, les armes, qui plus est lorsqu’elles sont atomiques. Cette précision faite, peut-on m’expliquer pourquoi un petit groupe de pays, après s’être eux-mêmes dotés de l’armement nucléaire, en interdiraient l’accès aux autres ? Au nom de quoi les États-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine, pour ne citer que ceux qui ont fait exploser une bombe nucléaire avant le 1er janvier 1967, peuvent dire au reste du monde : « Nous, mais pas vous ! » Parce qu’ils comptent, pour certains d’entre eux, parmi les nations les plus riches de la planète ? Parce qu’ils sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, et chargés, à ce titre, de dire ce qui est bon ou mauvais pour nous ? Ou, plus prosaïquement, à cause d’un présupposé qui ne dit pas son nom ?

Dans l’absolu, je ne vois pour ma part rien, sinon des impératifs de développement économique, qui s’opposerait à ce que les États musulmans, par exemple, aient une « bombe islamique » ou les Subsahariens, une « bombe noire ». Après tout, Israël, qui n’a pas adhéré au Traité de non-prolifération en vigueur depuis 1970, posséderait, selon les estimations les plus sérieuses, quelque deux cents ogives nucléaires.

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Les Nigérians, les Brésiliens, les Tunisiens, les Égyptiens, les Sénégalais ou les Sud-Africains noirs seraient-ils plus immatures, moins responsables que d’autres ? Sinon, comment comprendre la précipitation mise par le pouvoir blanc sud-africain – activement soutenu par les puissances occidentales – à démanteler l’arsenal nucléaire développé dans leur pays par les Israéliens du temps de l’apartheid, à la veille de l’accession de la majorité noire au pouvoir ? De là à conclure qu’il faut montrer patte blanche avant d’accéder au club sélect des nations nucléaires, il n’y a qu’un pas…

L’humanité a ceci de paradoxal qu’elle a besoin constamment de demander à certains de ses membres de prouver leur humanité. Même si elle n’est pas d’emblée contestée, elle n’est pas spontanément acceptée et reconnue, a fortiori donnée. Tout se passe un peu comme si les Blancs disaient aux autres : « Prouvez-nous que vous êtes comme nous ! » Pourtant, comme l’écrit le philosophe français Alain Finkielkraut dans L’Humanité perdue (éditions du Seuil, Paris), « un chat, pour un chat, a toujours été un autre chat ».

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