Sahraoui : vie et mort de l’ennemi public numéro un
Emmanuel Macron a annoncé, le 16 septembre, la « neutralisation » d’Abou Walid al-Sahraoui, chef du groupe État islamique au grand Sahara, qu’il avait créé en 2015. Il était depuis l’un des jihadistes les plus recherchés en Afrique de l’Ouest.
Il était sans doute le chef jihadiste le plus craint de tout le Sahel. Le plus recherché aussi, depuis qu’il avait créé le groupe État islamique au grand Sahara (EIGS) – et pris sa tête – en 2015. Soupçonné d’être derrière la plupart des attaques commises dans la région des « trois frontières », située aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, Abou Walid al-Sahraoui avait été désigné « ennemi prioritaire » par Emmanuel Macron, en janvier 2020.
Il y a un an, accusant l’EIGS d’être responsable de la mort de quatre militaires américains tués au Niger, les États-Unis avaient mis sa tête à prix, promettant cinq millions de dollars pour toute information qui permettrait de le localiser ou de l’identifier avec certitude. Confirmant « sa neutralisation » par les forces de l’opération Barkhane (la rumeur circulait déjà depuis la fin du mois d’août), le président français a salué « un succès majeur dans le combat […] contre les groupes terroristes ».
Il a été abattu par un tir de drone Reaper alors qu’il circulait à moto
Depuis des années, Abou Walid al-Sahraoui échappait à ses poursuivants. Prudent à l’extrême, obsédé par sa sécurité, il se déplaçait à moto et sans escorte pour ne pas attirer l’attention. Il n’utilisait pas de téléphone ni autres moyens de communication modernes, de peur de se faire repérer. La majorité des combattants de l’EIGS ne l’avait même jamais rencontré.
En février 2018, il avait échappé de peu à une opération de ratissage menée par Barkhane au sud d’Indelimane, dans la région de Menaka. Selon Florence Parly, la ministre française des Armées, c’est dans cette même zone qu’il a été tué le 17 août. François Burkhard, le chef d’état-major de l’armée française, a précisé qu’il avait été abattu par un tir de drone Reaper alors qu’il circulait à moto.
Sciences sociales
De son vrai nom Lahbib Ould Abdi Ould Saïd Ould El Bachir, Abou Walid al-Sahraoui est né en 1973 à Laâyoune, dans le Sahara occidental, avant de rejoindre les camps de réfugiés de Tindouf, en Algérie, au début des années 1990. De là, il ira étudier les sciences sociales à l’université de Constantine. En 2010, on le signale dans le nord du Mali. Il rejoint l’une des katibas d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi, qui a succédé au Groupe salafiste pour la prédication et le combat – GSPC), mais s’en éloigne bientôt pour participer à la création du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) dans le courant de l’année 2011.
Comme d’autres figures du Mujao, Sahraoui est proche de Mokhtar Belmokhtar
Sahraoui en est le porte-parole quand surviennent, en l’espace de quelques mois au début de l’année 2012, la rébellion touarègue et le coup d’État qui renverse Amadou Toumani Touré (ATT). Aqmi et le Mujao prennent le contrôle de la ville de Gao. Sahraoui en devient l’un des administrateurs. Idéologue convaincu, il est aussi l’un des plus radicaux.
Comme d’autres figures du Mujao, Sahraoui est proche de Mokhtar Belmokhtar. En août 2013, les jihadistes ont été chassés de Gao mais le Mujao et la katiba de Belmokhtar fusionnent pour fonder Al-Mourabitoune. En 2015, leur alliance a fait long feu, mise à mal par une querelle de leadership. Alors qu’en Irak et en Syrie, l’EI a érigé son califat, Sahraoui fait allégeance à son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, et annonce la création de l’EIGS. Il fait de la région de Menaka, dans le nord-est du Mali, sa principale base arrière. C’est là qu’il recrute, qu’il se marie et que le mouvement qu’il a fondé monte en puissance, profitant des tensions intercommunataires et projetant ses combattants jusqu’au Niger et au Burkina Faso voisins. En 2019, l’EIGS est officiellement intégré à l’État islamique en Afrique de l’Ouest (plus connu sous son acronyme anglais, ISWAP).
C’est loin d’être la fin du jihadisme
La disparition de Saharaoui va-t-elle changer la donne dans la sous-région ? « C’est un fait majeur, tient à nuancer un fin connaisseur des mouvements jihadistes au Maghreb et au Sahel, qui avait lui-même rencontré Sahraoui en 2012, à Gao. Mais on ne peut pas parler de succès parce que c’est loin d’être la fin du jihadisme. » Selon nos informations, l’un de ses vieux compagnons du Mujao, originaire du Tchad, aurait déjà été nommé à la tête de l’EIGS par ISWAP.
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