Bonne pioche pour Kabila

À Paris, Londres, Berlin et Bruxelles, le chef de l’État a plaidé la cause de son pays auprès des politiques et des investisseurs. Avec succès.

Publié le 10 février 2004 Lecture : 3 minutes.

« Faites-nous confiance » : tel a été le leitmotiv de la récente visite de Joseph Kabila en Europe. Arrivé à Paris le 2 février, le chef de l’État congolais s’est successivement rendu à Londres, Berlin et Bruxelles (le 8 février). Tout sourires, il est parvenu à exploiter, non sans habileté, le soulagement de la communauté internationale concernant l’évolution de la situation dans son pays. En 2001, qui aurait cru qu’il parviendrait à mettre fin à la guerre ? Aujourd’hui, il s’agit de convaincre les gouvernements occidentaux, mais aussi les chefs d’entreprise, que, la stabilité étant revenue, il est indispensable d’aider la RDC. Et d’y investir.
« Nous avons confiance dans la volonté du gouvernement de transition de conduire le pays vers la souveraineté, le développement et la démocratie », a déclaré le président français Jacques Chirac, au sortir du déjeuner de travail du 3 février. Un satisfecit assorti d’une promesse : la France s’est engagée à se faire le porte-parole de la RDC auprès des bailleurs de fonds et de l’Union européenne. Elle devrait par ailleurs débloquer une aide au développement de 50 millions d’euros sur deux ans, et réduire la dette publique congolaise d’environ 620 millions d’euros (67 % du total).
Réaction du même ordre du côté du patronat français. À l’issue de sa rencontre avec Kabila, Michel Roussin, le président du comité Afrique du Medef, n’a pas caché sa satisfaction. « La paix est revenue, l’hyperinflation a été jugulée, l’activité économique a repris et les bailleurs de fonds s’intéressent à nouveau au pays », a-t-il indiqué. Pour sa part, la RDC souhaite rejoindre l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada).
Ces heureuses perspectives ne détournent cependant pas Kabila de son prochain objectif, aussi déterminant pour la paix que la bonne santé de l’économie : l’organisation des prochaines élections générales, prévues au second semestre de 2005. Première étape : asseoir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. « D’ici au mois de juin, la situation devrait beaucoup s’améliorer, même dans l’est du pays, grâce à la nomination des nouveaux gouverneurs, commandants de région, etc. », explique-t-il. La France va prendre en charge la formation et le déploiement de policiers dans l’ensemble du pays. Le chef de l’État s’est d’ailleurs entretenu avec Pierre Brochand, le patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), et a visité le camp d’entraînement de la gendarmerie française à Satory, dans la région parisienne.
Mais la sécurité n’est pas sa seule préoccupation. Beaucoup reste en effet à faire sur le plan administratif : adoption d’une loi électorale, recensement de la population, découpages des circonscriptions, distribution des cartes d’électeur, etc. Un travail colossal dans un laps de temps aussi court. « C’est faisable, estime Kabila, à condition de travailler d’arrache-pied, jour et nuit s’il le faut. Je ne souhaite pas que le président, le gouvernement ou les institutions soient à l’origine d’une violation de l’accord de Sun City qui prévoit la tenue d’élections avant la fin de la période de transition. »
Enfin, le chef de l’État a évoqué avec ses interlocuteurs européens la prochaine Conférence internationale sur les Grands Lacs, qui devrait se tenir au mois de juin. Il a déjà obtenu des Nations unies que ladite conférence soit élargie à l’ensemble des pays d’Afrique centrale, notamment au Congo-Brazzaville, à l’Angola et à la République centrafricaine. Qu’en attend-il ? « Un mea-culpa de la part des pays qui nous ont agressés et une réflexion commune sur ce qui s’est passé au Congo. » Afin, bien sûr, que de telles atrocités « ne puissent plus se reproduire, nulle part ».
Kabila souhaite la mise en place d’« un tribunal international pour juger les commanditaires de la guerre qui a ravagé [son] pays ». Et convient que « la normalisation des relations avec l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi impose qu'[il] aille à Kigali ou que le président Paul Kagamé se rende à Kinshasa ». Mais la réconciliation restera, à ses yeux, impossible tant que des troubles persisteront dans l’est du pays. « Je ne crois pas que la population apprécierait une réconciliation précipitée. Nous procédons donc par étapes. Pour l’instant, nous en sommes aux contacts entre ministres des Affaires étrangères. »
Un gant de velours, sans doute, mais sur une main de fer !

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