Albert Zafy est élu président de Madagascar

Publié le 10 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Mercredi 10 février 1993. À Antananarivo, les derniers bureaux de vote viennent à peine de fermer leurs portes, et les opérations de dépouillement ont déjà commencé. Le taux de participation est proche de 80 %. D’ores et déjà, pour les partisans d’Albert Zafy, l’issue de cette présidentielle ne fait aucun doute. La proclamation officielle des résultats leur donnera raison. « L’homme au chapeau de paille » recueille 66,74 % des voix, contre seulement 33,26 % à Didier Ratsiraka, le tenant du titre depuis dix-sept ans !

Ce score sans appel n’est pas une surprise. Il résulte d’une longue lutte contre un régime tenu pour responsable de la ruine du pays. Dès 1990, l’opposition, structurée autour des Églises chrétiennes (FFKM), crée le Conseil permanent des forces vives. En mai 1991, Albert Zafy s’impose à la tête de cette coalition et engage un long bras de fer avec le pouvoir. Il prône la « résistance passive » et organise de vastes meetings sur la place du 13-Mai. En juillet, les anti-Ratsiraka durcissent le ton et déclenchent une grève générale. Elle durera plusieurs mois. Le 10 août, les manifestants marchent sur la présidence de la République. La garde tire sur la foule, on compte des dizaines de morts. Dès lors, Madagascar devient ingouvernable. Contraint de céder du terrain, Didier Ratsiraka abandonne ses pouvoirs à la Haute Autorité de l’État, institution de transition que préside Zafy. L’année suivante, celui-ci est élu chef de l’État.
À 65 ans, ce chirurgien de formation incarne le renouveau. Ex-assistant du professeur Cabrol, il a fait ses études en France, avant de devenir brièvement ministre de la Santé en 1972. Trois ans plus tard, Didier Ratsiraka prend le pouvoir et le pays amorce le virage du socialisme révolutionnaire. Zafy, lui, milite dans l’opposition, sans jamais faire une seule concession au régime qu’il combat. Mais ce farouche opposant va s’avérer piètre gestionnaire. Après avoir restauré la démocratie bafouée, Zafy va s’enliser dans la crise qui mine le pays. En l’absence de véritable programme économique, ses propos populistes se traduisent par des choix ultralibéraux. Une réforme économique visant à favoriser les investissements et à rendre la monnaie nationale convertible débouche sur le flottement du franc malgache. En quelques mois, celui-ci perd plus de 60 % de sa valeur alors qu’une inflation galopante frappe les produits de première nécessité. Simultanément, la majorité parlementaire devient ouvertement hostile à l’exécutif, et pas moins de huit gouvernements successifs sont formés en moins de quatre ans. Face à cette instabilité chronique, l’Assemblée nationale vote l’empêchement du chef de l’État le 5 septembre 1996. Il est remplacé par son Premier ministre Norbert Ratsirahonana, président par intérim.
L’élection présidentielle anticipée du 31 janvier 1997 se soldera par le retour de Didier Ratsiraka à la tête de l’État. Et par un formidable fiasco politique. Tout comme le Bénin de Mathieu Kérékou ou le Congo de Denis Sassou Nguesso, Madagascar a connu le vertige de l’alternance. Mais à l’euphorie démocratique du début de la décennie ont succédé les désillusions d’une transition ratée.

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On peut reprocher à Albert Zafy d’avoir déçu les espoirs de ses concitoyens. Mais on ne peut lui reprocher de s’être honteusement enrichi. Arrivé aux affaires avec une image de droiture et d’honnêteté, il les a quittées sans avoir fait fortune. Aujourd’hui retraité dans sa modeste villa d’Alarobia, à la périphérie d’Antananarivo, le cardiologue rêve toujours de bâtir sa clinique dans son village d’Ambilobe, au nord de la Grande Île. Non sans demeurer actif sur la scène politique. Président du Comité pour la réconciliation nationale (CRN), Zafy continue de dénoncer inlassablement les abus de pouvoir du chef de l’État. Seule nuance, son adversaire a changé. Depuis mai 2002, il s’appelle Marc Ravalomanana. Pourtant, ce dernier a au moins un point commun avec Zafy. Celui d’avoir poussé Ratsiraka vers la sortie.

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