Gabon : les confidences posthumes de Casimir Oyé Mba
Son passage à la BEAC, sa rencontre avec Léon Mba, les surprises d’Omar Bongo Ondimba, son rapport au franc CFA… Autant de sujets sur lesquels Casimir Oyé Mba, décédé le 16 septembre à Paris, s’était longuement confié à notre journaliste, Georges Dougueli.
Tour à tour gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), ministre et Premier ministre, Casimir Oyé Mba, qui s’est éteint le 16 septembre à Paris, aura été une figure marquante de la politique gabonaise et de la sous-région.
J’avais fait sa connaissance le 30 août en 2009, jour de l’élection présidentielle consécutive au décès d’Omar Bongo Ondimba. Candidat, il avait battu campagne mais avait annoncé le matin même – et à la surprise générale – qu’il se retirait de la course. Au cours de ce petit déjeuner auquel quelques journalistes avaient été conviés, Oyé Mba expliqua qu’il s’était désisté à la demande de deux chefs d’État du continent, qu’il refusa de nommer. Les journalistes présents eurent beau insister, il ne lâcha rien. Son parler-franc proverbial n’était pas sans limites.
Ce matin-là, il nous était apparu tel qu’en lui-même. Fier et droit dans ses bottes, à la fois humainement bienveillant, intellectuellement exigeant et d’une étonnante modération. Cette capacité de renoncement, si rare chez les politiques de ce niveau, passait pour une faiblesse aux yeux de certains de ses détracteurs. Ses adversaires, eux, ne l’ont jamais sous-estimé. Ce n’est pas un hasard si une partie de l’entourage d’Ali Bongo Ondimba avait conseillé au chef de l’État de lui proposer la vice-présidence de la République, tandis qu’une autre partie s’y étaient opposée, redoutant qu’Oyé Mba n’y prenne la lumière et s’en serve comme d’un tremplin.
Au fil des ans, l’homme m’accorda une dizaine d’entretiens pour évoquer ses origines, son parcours placé sous une exceptionnelle bonne étoile. Des entretiens qui furent enregistrés, dont nous aurions pu faire un livre, et dont nous vous proposons aujourd’hui quelques extraits :
L’ascenseur social
Sa vie fut un pied de nez au déterminisme. Si, pendant douze ans, sa signature apparut sur les billets de banque ayant cours légal dans toute la zone Cemac, Oyé Mba n’était pour autant pas issu d’une famille aisée.
« Mon père était un ancien élève du séminaire. Il aurait même pu devenir prêtre. Il écrivait le français parfaitement – je suis même tenté de dire qu’il l’écrivait mieux que certains universitaires d’aujourd’hui.
Quand j’eus l’âge d’aller à l’école, il décida de m’inscrire non pas à Donguila [province de l’Estuaire], où il avait été scolarisé, mais à Libreville parce que, selon lui, c’est là-bas qu’il y avait les meilleures enseignants. C’est ainsi qu’il décida de déménager pour s’installer dans la capitale.
Nous avons donc pris la pirogue et descendu le fleuve Komo. J’étais âgé de quatre ou cinq ans. Mon père tenait une épicerie, une « boutique » où il vendait un peu de tout, des sardines, des limonades, etc. Ma mère ne s’y montrait pas. Elle produisait des plantains, des bananes et approvisionnait la maison. Nous vivions avec plusieurs de nos cousins à qui mon père avait offert le gîte et le couvert. »
Bien s’informer, mieux décider
Abonnez-vous pour lire la suite et accéder à tous nos articles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...