Révolution de palais

En succédant à son père, le prince Albert II a entrepris de dépoussiérer l’image sulfureuse du Rocher. À la tête d’une équipe rajeunie, il a d’ores et déjà imposé son style.

Publié le 9 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Monaco… État confetti de moins de 2 km2, strass et paillettes, paradis fiscal pour milliardaires de tous horizons, enchevêtrement d’immeubles agglutinés face à la Méditerranée, blanchiment d’argent et tapis vert… C’est l’image réductrice que l’on retient le plus souvent de cette minuscule enclave dans le territoire français, à une dizaine de kilomètres de la frontière italienne.
Monaco, c’est aussi une famille, les Grimaldi, au pouvoir depuis plus de sept cents ans. Rainier III décédé après cinquante-six années de règne, c’est Albert II, son fils, qui en a repris les commandes, le 12 juillet 2005. Avec une ambition nouvelle : « Il faut que Monaco soit un pays producteur de modèles : modèle de vie, de développement, de bien-être, de paix », expliqua-t-il à l’occasion de son discours d’avènement.
Objectif avoué : dépoussiérer l’image du Rocher avec en toile de fond le passage de témoin entre les réseaux du prince défunt et la jeune garde du nouveau souverain. À 47 ans, Albert II a mené une petite révolution de palais en s’entourant d’une nouvelle génération de conseillers, pour la plupart du même âge que lui, experts de la finance et du management. S’il n’a pu lui-même choisir son ministre d’État, sorte de chef du gouvernement nommé par Rainier en janvier 2005, le prince a appelé à ses côtés Jean-Luc Allavena, 42 ans. Ce brillant diplômé de HEC, dont la famille d’origine piémontaise est installée sur le Rocher depuis cent cinquante ans, est accompagné de Frank Biancheri, 45 ans, conseiller du gouvernement chargé des Finances et élevé au rang de numéro deux du gouvernement. Des quadras natifs du Rocher et des membres éminents de la diaspora monégasque. Allavena dirigeait jusqu’à sa nomination Lagardère Médias. Un profil de manager qui plaît à Albert. Le prince veut réformer… en douceur. Il aurait transmis à ses nouveaux « barons » une feuille de route détaillée : favoriser les activités à forte valeur ajoutée, protéger l’environnement et renforcer la présence de Monaco sur la scène internationale. Cette nouvelle équipe a une idée assez précise de ce qu’elle veut faire de Monaco, 7 500 citoyens, 32 000 habitants et 40 000 salariés. Et une priorité : poursuivre sur la voie tracée par Rainier en dégageant sans cesse de nouveaux espaces pour la principauté, pris en général sur la mer.
Outre les chantiers économiques – consolider les secteurs bancaires, immobiliers et touristiques tout en mettant le cap sur les nouvelles technologies -, l’autre priorité tient à la réputation et à l’image de la principauté. « J’entends que l’éthique soit toujours en toile de fond du comportement des autorités monégasques, avait prévenu le souverain dans son discours d’avènement, le 12 juillet. L’éthique ne se divise pas. Argent et vertu doivent se conjuguer en permanence. L’importance de la place financière de Monaco requiert une extrême vigilance… » Il faut reconnaître qu’à l’époque bien peu croyaient aux nouvelles vertus de la principauté. Mais si certains doutaient de la capacité d’Albert à imposer cette nouvelle ligne de conduite, une vaste opération de « moralisation des pratiques » semble bel et bien en marche. Le premier à en faire les frais a été… Mark Thatcher, fils controversé de Margaret, l’ancien Premier ministre britannique. Le Palais a refusé de renouveler son permis de résidence temporaire. Le fils de la Dame de fer, 52 ans, a été condamné en janvier 2005 en Afrique du Sud à quatre ans de prison avec sursis et à une amende d’environ 390 000 euros pour sa participation à un coup d’État manqué en Guinée équatoriale, en mars 2003. Côté blanchiment d’argent et opacité financière, Monaco est enfin sorti de la « liste noire » du Groupe d’action financière (Gafi) sur les paradis fiscaux, et le Fonds monétaire international (FMI) vient de publier un rapport positif sur la principauté. L’aboutissement d’un travail de longue haleine pour ses dirigeants.
Le nouveau prince a fixé ses objectifs, de nouvelles règles du jeu et a choisi son équipe. S’il semble vouloir réellement prouver au monde entier que Monaco est entré dans une ère nouvelle, il devra dépasser le stade des ambitions en s’appuyant sur les siens mais aussi sur ceux qui sont en place depuis longtemps déjà. Il se heurtera forcément aux intérêts des uns et des autres, devra composer avec les grandes familles de la principauté. Fan de sport et adepte des défis, Albert II, longtemps cantonné à un rôle de représentation par son père, a maintenant toutes les cartes en main pour démontrer ses qualités de chef. Sa personnalité, plus affirmée qu’il n’y paraît, et malgré les doutes qui ont jalonné son parcours de « prince en devenir », pourrait en surprendre plus d’un. Même si, contrairement à la superficie du territoire dont il a la charge, la tâche est immense.

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