Paris retrouve la mémoire

Publié le 9 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

« La question de l’esclavage est une blessure pour un grand nombre de nos concitoyens, notamment en outre-mer. […] J’ai décidé d’instaurer en France une journée de la mémoire. » Jacques Chirac avait-il prévu de longue date l’annonce, dans ses voeux à la presse, le 4 janvier, de la mise en place d’une journée de commémoration de l’esclavage? Ou l’indignation provoquée par l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui recommande de souligner dans les manuels scolaires le rôle positif de la colonisation, l’a-t-elle précipité sur la voie de l’apaisement et du rassemblement, et incité à adopter l’une des propositions du « Comité pour la mémoire de l’esclavage », nommé par décret en janvier 2004 ?
Le choix du moment n’est pas anodin : c’est le 10 mai 2001 que la loi Taubira, qui fait de l’esclavage un « crime contre l’humanité », est adoptée à l’unanimité par le Parlement. Symbolique de la repentance collective, donc, la date est néanmoins contestée : certains militent en faveur du 23 mai, en référence à la marche silencieuse de 1998, pour le cent cinquantenaire de l’abolition. Mais le jour n’est pas retenu, la manifestation étant essentiellement le fruit du travail d’associations antillaises, on estime que sa portée n’est pas assez universelle. « Le choix était compliqué, compte tenu du nombre de dates, explique Claude-Valentin Marie, membre du comité et sociologue. Par exemple, nous aurions aussi pu choisir le 20 décembre, date de l’abolition à la Réunion, mais cela n’aurait pas été représentatif. Nous avons préféré le 10 mai car c’est une date forte : la France fut la première à reconnaître que l’esclavage était un crime contre l’humanité. »
Reste à savoir si les célébrations en tout genre qui auront vraisemblablement lieu ce jour-là – la date du 10 mai n’a pas encore été officiellement arrêtée – auront les effets voulus : lever le voile sur ces pages occultées de l’Histoire et rendre hommage aux victimes de la traite. « La journée est fondamentale, mais il faut qu’un travail complémentaire soit accompli », nuance Claude-Valentin Marie. C’est pourquoi le comité préconise également la création d’un laboratoire dédié à cette facette du passé national trop souvent absente des travaux de recherche, et une plus grande place pour le sujet dans les manuels scolaires.
« Ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire », a admis Chirac un peu plus loin dans son discours à la presse, après avoir reconnu que l’article 4 de la loi du 23 février devait être « réécrit ». Un moyen de couper court aux reproches d’ingérence de l’État dans le travail des historiens. En écho, Claude-Marie Valentin précise prudemment : « Le comité ne fait pas acte d’historien, il réunit les conditions pour que les spécialistes, historiens mais aussi philosophes et juristes, puissent travailler sur l’esclavage.

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