Le Maghreb fait sa pub

Déjà mature au Maroc, le marché publicitaire commence à saturer en Tunisie. En Algérie, en revanche, il ne fait que démarrer.

Publié le 9 janvier 2006 Lecture : 4 minutes.

Avec une population de 74,5 millions d’habitants, dont 32 % ont moins de 15 ans et 60 % vivent en milieu urbain, une espérance de vie moyenne de 71 ans, un taux d’alphabétisation de 61,8 %, une croissance économique annuelle de 5 %, un produit intérieur brut (PIB) de 175,9 milliards de dollars et un PIB par tête de 2 361 dollars, le Maghreb central (Maroc, Algérie et Tunisie) est un marché en pleine croissance qui offre de grandes opportunités aux investisseurs, notamment dans les domaines de la publicité et des métiers s’y rattachant (recherche média, postproduction…).
Selon une enquête du bureau d’études tunisien Sigma Conseil, présentée le 17 décembre au siège de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace), à Tunis, l’investissement publicitaire « théorique » dans la région s’élève à 416 millions de dollars. Avec les remises concédées par tous les supports, notamment la presse et l’affichage urbain (40 % en moyenne), ce montant tombe cependant à près de 250 millions. L’investissement « théorique » – établi en application des tarifs officiels affichés par les médias ou leurs régies publicitaires – se répartit comme suit : 272 millions de dollars au Maroc, qui se taille ainsi la part du lion, 75 millions en Tunisie et 69 millions en Algérie. Avec 8,60 dollars par habitant et par an, le Maroc occupe également la première place en la matière, talonné de près par la Tunisie (7,10 dollars), l’Algérie se positionnant très loin avec seulement 2,10 dollars. S’agissant de la part de l’investissement publicitaire dans le PIB global (0,24 % pour l’ensemble de la région), le classement est identique (0,45 % pour le Maroc ; 0,24 % pour la Tunisie ; et 0,09 % pour l’Algérie).
Pour Sigma Conseil, le marché de la publicité est déjà mature au Maroc et commence à saturer en Tunisie. En Algérie, en revanche, il ne fait que démarrer. Raison de ce décalage entre les trois pays : le Maroc et la Tunisie se sont convertis à la consommation de masse bien avant l’Algérie. Mais cette dernière « dispose de ce fait d’un plus grand potentiel de développement, grâce notamment à ses taux de croissance à la chinoise et à une population en quête de modernité incarnée (à tort ou à raison) par les marques étrangères, explique Hassen Zargouni, directeur général de Sigma Conseil. Face à la relative étroitesse du marché tunisien et à la fragilité structurelle de l’économie marocaine, pas assez diversifiée, l’Algérie se présente aujourd’hui comme le pays phare de la région. » Encore faut-il que cette nation de 32,8 millions d’habitants, qui bénéficie d’importantes ressources énergétiques, réussisse à réformer son économie et à l’amarrer durablement à celles de ses voisins, serions-nous tentés d’ajouter.
L’investissement publicitaire au Maghreb central se répartit entre la télévision (61 %), la presse écrite (22 %), l’affichage urbain (13 %) et la radio (5 %). La part de la télévision s’est élevée, en 2005, à 252 millions de dollars (soit une croissance annuelle de 41 %), dont 80 % pour le seul Maroc (+ 48 % par rapport à 2004, contre + 45 % pour la Tunisie et + 12 % pour l’Algérie). Autre statistique soulignée par Sigma Conseil : l’investissement publicitaire TV par tête est de 5,80 dollars au Maroc, 3 en Tunisie et 1,2 en Algérie (2,6 en moyenne maghrébine), contre 110 dollars en France et 1,3 dollar en Égypte, qui est en train de perdre une partie de ses recettes publicitaires au profit des chaînes panarabes (LBC, MBC, Rotana, ART…). Celles-ci ont d’ailleurs réalisé, en 2005, un chiffre d’affaires publicitaire global dépassant largement celui de toutes les chaînes arabes locales réunies : 1,5 milliard de dollars pour les premières, contre 1 milliard pour les secondes.
La prédominance du Maroc dans le domaine de la publicité TV au Maghreb ne peut pas être imputée au coût unitaire de l’achat d’espace publicitaire TV, moins élevé chez les deux télévisions marocaines (2M et TVM) que chez leurs homologues algérienne (ENTV) et tunisienne (Tunis 7), ni même aux différences démographiques ou de niveau de vie, un Tunisien, par exemple, consommant en moyenne chaque année trois fois plus de pots de yaourt qu’un Marocain. Le bureau d’études identifie des causes plutôt structurelles : d’une part, la part d’audience relativement élevée des chaînes locales marocaines (53,2 % pour 2M, contre 41,9 % pour Tunis 7 et 33,7 % pour ENTV), et, d’autre part, l’attrait particulier du royaume pour les multinationales dont les activités sont orientées vers la grande consommation. « Ces multinationales se sont installées au Maroc dès les années 1960-1970, rappelle Hassen Zargouni. Ce pays, qui n’a pas connu de période socialisante, à la différence de ses deux voisins, a très tôt attiré les grandes firmes internationales. Celles-ci, qui y bénéficient de facilités pour l’installation, l’acquisition de biens immobiliers et le transfert de leurs bénéfices, ont choisi pour la plupart Casablanca comme plate-forme en vue d’un éventuel déploiement en Afrique du Nord. » Conséquence : la publicité à la télévision a fait son apparition dans le royaume chérifien dès 1978, dix ans avant la Tunisie et vingt ans avant l’Algérie.
Si, en matière de publicité TV, les produits alimentaires occupent la première place en Tunisie (45 % de l’enveloppe globale), devant les télécoms et Internet (14 %) et les cosmétiques (11 %), en Algérie, ce sont les télécoms et Internet qui devancent les produits alimentaires avec des taux respectifs de 40 % et 30 %. Au Maroc, où la répartition sectorielle est plus éclatée, les télécoms et Internet occupent la première place (29 %), devant les produits alimentaires (15 %). Dans les trois pays, les opérateurs de téléphonie mobile restent les premiers annonceurs : Maroc Télécom (avec un investissement estimé à 32 millions de dollars en 2005) ; Médi Télécom (13,6 millions) ; Orascom Algérie (17 millions) ; Algérie Télécom (5 millions) ; Wataniya Telecom (4,2 millions) ; et Tunisie Télécom (2,2 millions).
Autre indicateur important souligné par Sigma Conseil : sur les cinq premiers annonceurs maghrébins, quatre sont marocains et un seul est algérien. En termes de budget par annonceur, on ne retrouve aucune entreprise tunisienne dans le Top 10. Sigma Conseil a donc dû établir un Top 15 pour qu’apparaisse Tunisie Télécom… à la dernière place du classement.

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