L’Afrique d’antan et de toujours

Publié le 9 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Maître du roman d’aventures, tiré à 65 millions d’exemplaires de par le monde, [Wilbur Smith] connaît en France un succès grandissant depuis la parution en 1994 du Dieu fleuve, évocation égyptienne que l’on est en droit de préférer aux longues sagas de Christian Jacq. Depuis, ses premiers livres ont fait l’objet d’une réédition systématique aux Presses de la Cité, où l’ensemble remporte un joli succès.
Pour lui comme pour beaucoup, l’enfance reste la matrice de l’oeuvre. La sienne se passe en Rhodésie du Nord, actuelle Zambie, dans un ranch enchanteur, en pleine nature, près d’un père rigoureux qui lui fait rentrer dans la tête « à coups de ceinture » une vision du monde qu’il a gardée. « Je suis un homme du xixe siècle, à la fois vieux jeu et politiquement incorrect. Je crois qu’il faut travailler pour obtenir ce que l’on veut, que le fort doit protéger le faible, que les jeunes doivent respecter les vieux… »

L’Afrique qui le voit grandir, vraie héroïne de son oeuvre, est une Afrique d’avant les dictatures et le sida, une Afrique dont les héros sont encore les chasseurs et les aventuriers. Une Afrique où il vit toujours et à laquelle il a offert une réserve naturelle où viennent se reproduire des oiseaux de proie en voie de disparition dont il commente avec tendresse les évolutions. Mais une Afrique pour qui, pourtant anglais et sud-africain, il ne jugera pas nécessaire de s’engager politiquement. « Être écrivain contre l’apartheid, c’était me condamner à ne plus exister quand cette aberration temporaire disparaîtrait. Dénigrer un système n’est pas ce qui m’intéresse. Modestement, mes livres défendent la nature, ce qui me semble une cause plus profonde. » Cette « modestie », parfois gênante, lui a sans doute longtemps valu un certain purgatoire, en France du moins. Si aucun de ses romans n’est ouvertement raciste, l’archétype du beau Noir objet sexuel et la peinture de militants révolutionnaires comme des terroristes irresponsables prêts à se trahir entre eux (voir entre autres l’assez détestable Serpent vert) sont, dans le contexte sud-africain, pour le moins mal venus, même si l’auteur se défend d’avoir voulu simplement décrire ce qu’il a vu des relations entre Noirs et Blancs, « simples et fraternelles »… Son compatriote André Brink ne s’y est pas trompé qui aime à rappeler que, s’il arrive à Smith de se vanter d’avoir été interdit par le gouvernement de Pretoria dans les années 1970, c’est uniquement à cause de la dose (qui paraît aujourd’hui bien anodine…) de sexe et de sadisme de certains de ses romans. […]

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L’écrivain naît en 1963 dans la peau pesante d’un expert-comptable. Son premier roman fait en vain le tour des éditeurs et gît aujourd’hui dans son grenier. « Quand je sens que j’ai besoin d’une leçon d’humilité, j’y monte et j’en relis certains passages. Après ça va mieux. » Le deuxième, où, « renonçant à faire Guerre et paix, [il a] juste écrit une histoire comme [il aurait] eu envie de la lire », rectifie le tir. Quand le lion a faim dépasse les 60 000 exemplaires. Pas encore un triomphe planétaire, mais de quoi envisager de continuer. […]

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