Grandes ambitions

Malgré son absence de ressources propres et sa petite taille, la principauté affiche une insolente prospérité.

Publié le 9 janvier 2006 Lecture : 4 minutes.

« Il n’est pas nécessaire d’être territorialement grand pour avoir de grands rêves, ni d’être nombreux pour les réaliser. » Décédé le 6 avril 2005, le prince Rainier III a passé une partie de sa vie à concrétiser un adage qu’il aimait à rappeler à ses hôtes. Sous son règne, Monaco est passé du rang de principauté d’opérette à celui de multinationale de la finance. Ce qui lui a valu les plus vives critiques, le territoire étant régulièrement accusé de blanchiment d’argent et d’opacité financière. Des critiques qui s’estompent peu à peu depuis que les autorités ont mis en place un organisme chargé du contrôle des opérations financières. Albert II, successeur de Rainier, entend continuer à redorer l’image du Rocher en conjuguant argent et vertu : « Les jeux ne représentent que 3 % à 4 % des ressources de la principauté, et nous ne vivons pas uniquement des attraits de notre régime fiscal. » Il veut également poursuivre les grands chantiers de diversification du royaume. Il hérite de son père une économie solide et moderne fondée sur le tourisme, la banque, les services et une industrie embryonnaire. Alors que les principales recettes de l’État dépendaient des ressources de la Société des bains de mer (SBM) et de quelques rares entreprises installées dans le quartier de Fontvieille dans les années 1960, Rainier III en a fait un centre économique dynamique et un véritable bassin d’emploi. Avec seulement 195 ha de terre et 32 000 habitants, la principauté réalise annuellement plus de 9,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Pour développer une économie si prospère avec si peu de ressources propres, le petit État a réussi à se servir de l’argent des autres. Les investisseurs sont avant tout attirés par un savant mélange d’exonérations fiscales, de discrétion et de sécurité. Commerce et industries telles que la chimie, la pharmacie ou la transformation plastique emploient aujourd’hui quelque 42 000 salariés, dont plus de 30 000 viennent chaque jour de France ou d’Italie. Mais les moteurs les plus puissants du Rocher restent la banque et la gestion des fortunes. Plus de 62 milliards d’euros sont déposés sur les comptes des 41 établissements bancaires que compte la place, auxquels s’ajoutent une vingtaine société de gestion de portefeuilles. Car d’autres métiers de la finance ont pris leur envol dans le conseil ou le capital-investissement.
Sans matières premières, la principauté ne peut compter que sur l’inventivité de ses entrepreneurs pour vivre et se développer. Son avenir passe avant tout par des activités où les retours sur investissement sont conséquents. « Les circuits de décision sont extrêmement courts, ce qui nous donne une certaine souplesse et plus de rapidité d’exécution qu’ailleurs. Et nous pouvons encore accueillir des secteurs à forte valeur ajoutée, que ce soit dans le domaine de la recherche médicale, où il existe un vrai créneau pour Monaco, ou dans celui des biotechnologies, des nouvelles technologies de la communication, qui sont des activités non polluantes », tient à faire valoir le nouveau prince régnant.
Pour accompagner cette politique, l’État monégasque a relancé la Société d’aide à la création et au développement d’entreprises (SACDE) il y a quelques mois et l’a dotée d’un budget de 5 millions d’euros. La Chambre de développement économique (CDE), présidée par le président de l’AS Monaco, Michel Pastor, multiplie les missions à l’étranger pour attirer des entreprises. Un noyau dur de sociétés high-tech existe déjà à Monaco, avec quelque 90 entreprises opérant dans l’informatique et les télécoms. Parmi elles figure Monaco Télécom, un poids lourd, dont l’État est actionnaire aux côtés de l’opérateur britannique Cable & Wireless. L’objectif est de faire de Monaco une vitrine des nouvelles technologies, comme l’UMTS ou le Wimax.
Si le commerce international ne représente que 4 % des emplois de la principauté, il génère le tiers de son chiffre d’affaires avec 3 milliards d’euros. Une quarantaine de sociétés mènent des activités en Afrique. Une implantation de longue date pour certaines, notamment pour le courtier d’assurance Ascoma, qui a installé une antenne en 1952 à Madagascar et 1953 au Cameroun avant de s’implanter sur le reste du continent. Aujourd’hui, la société possède des filiales en Afrique centrale (Gabon, RD Congo, Guinée équatoriale, Congo, Cameroun), de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal) et à Madagascar. Plus récemment, les laboratoires Asepta ont noué des partenariats en Tunisie et au Sénégal pour la fabrication et la distribution de leurs produits. Mercure International of Monaco, pour sa part, a implanté une cinquantaine de magasins de sport et de distribution sous les marques Score et City Sports.
Nouvel eldorado pétrolier, le continent attire de plus en plus les majors et par effet d’entraînement toutes les sociétés de services. Single Buoy Moorings Inc. est de celles-là. Installée à Fontvieille, la société est très présente dans le golfe de Guinée où elle a opéré au Nigeria pour la première fois en 1961. Elle intervient pour les grands groupes occidentaux comme ExxonMobil, Chevron, Agip et Total, et propose des plates-formes en leasing et des terminaux pétroliers offshore (110 sur le continent). « L’Afrique, qui représente 30 % à 40 % de notre activité, constitue la principale zone de croissance dans le futur », précise Hans Peereboom, vice-président de la société.
Lors de son discours d’intronisation, Albert II a exhorté les jeunes Monégasques privilégiés à poursuivre l’expansion économique à l’international, qui est, pour le moment, essentiellement l’apanage des opérateurs étrangers. Cette jeunesse dorée, habituellement peu tentée par la prise de risques, réalisera-t-elle les ambitions du nouveau prince ?

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