Ennemi intime

Publié le 9 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Qu’il l’ait ou non voulu – et tout porte à croire qu’à l’heure où l’Histoire la fait sienne, cette image de lui-même n’est pas pour lui déplaire -, Ariel Sharon aura été, aux yeux des Palestiniens et du monde arabo-musulman, l’archétype de l’ennemi. Tactique, politicienne, sa posture récente de colombe abreuvée d’injures par l’extrême droite israélienne, ordonnant l’évacuation forcée des colons de Gaza et unie dans un étrange mariage avec cet autre inoxydable de la vie politique israélienne qu’est Shimon Pérès, était bien trop fraîche et ressemblait par trop à un coup roublard, à une feinte opportuniste esquissée au pied du mur, pour que quiconque y ait vu l’ébauche d’une repentance. La vie de cet homme complexe, parfois contradictoire, le plus souvent brutal et expéditif, s’égrène comme le chapelet des lamentations palestiniennes.

Terroriste à l’âge de 14 ans au sein de la Haganah, commandant de compagnie à 20 ans pendant la guerre de 1948, chef de l’Unité 101 – ce commando de choc qui s’illustra en 1953 par le massacre de 69 civils à Kibyeh au cours d’un raid dit de représailles -, officier parachutiste dans le Sinaï en 1956, patron d’une division blindée lors de la guerre des Six-Jours en 1967, « héros » six ans plus tard de la traversée du canal de Suez, Ariel Sharon incarne jusqu’à la caricature une politique de la force et du fait accompli menée avec autant d’arrogance que de bonne conscience.

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Ce visage d’un Israël hostile, agressif, irréconciliable avec son environnement arabe, « Arik le lion » le portera pour toujours à partir de 1982 et de l’invasion du Liban, dont il est le principal architecte. Obsédé par la mort d’Arafat et la destruction de l’OLP, il laisse se dérouler sans intervenir les tueries massives de Sabra et Chatila à Beyrouth, commises par ses affidés phalangistes libanais. De l’implantation massive des colonies à Gaza et en Cisjordanie au siège de la Mouqataa, résidence de l’Autorité palestinienne, en passant par l’immigration des Juifs d’Éthiopie et de Russie, du sabotage systématique du processus de paix à la provocation de l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, en septembre 2000, qui fut le détonateur de la seconde Intifada, ce centurion pour qui la politique était un baroud et la pérennité d’Israël une obsession névrotique a été au coeur de tous les tourments de cette terre sacrée. Même s’il lui faudra désormais apprendre à vivre sans lui et avec un Israël sans Sharon, le monde arabe, et particulièrement les Palestiniens, ne portera pas son deuil – c’est là un euphémisme. Cet homme au physique de char Merkava, qui écrasait tel un sumotori la vie politique de son pays, avait à grand-peine caché sa joie lors de l’annonce du décès de Yasser Arafat. Le regretter aurait donc, logiquement, quelque chose d’indécent.

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