Brigitte Girardin, ou la culture du résultat

Publié le 9 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Pragmatique et efficace, Brigitte Girardin, la ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, est une battante. Depuis la réforme de la coopération décidée par le Premier ministre Lionel Jospin, en 1998, et le « rapprochement » de la Rue Monsieur avec les Affaires étrangères, on ne savait plus très bien quel était le rôle du ministre. « Nous sommes le chef de file de l’aide au développement, répond sans ambages Brigitte Girardin. Notre dimension politique est d’autant plus grande que nous coordonnons les actions menées dans les différents ministères. »
Née à Verdun, le 12 janvier 1953, elle connaît l’Afrique pour avoir vécu au Tchad lorsqu’elle avait 15 ans. Après Sciences-Po Paris et une licence en droit, elle intègre le ministère des Affaires étrangères en 1976. Deux ans plus tard, elle rejoint la direction des affaires africaines et malgaches. Politiquement classée à droite, elle rejoint l’ONU en 1981, après l’élection de François Mitterrand, et y reste jusqu’à la première cohabitation, en 1986. Elle est alors nommée chef de cabinet de Camille Cabanna, le ministre délégué chargé des Privatisations. Deux ans plus tard, elle retourne au Quai d’Orsay, puis devient conseiller technique de Dominique Perben, ministre de l’Outre-Mer, auquel elle succède dans le gouvernement mis en place en 2002.
Voyageuse infatigable, elle effectue l’équivalent de neuf tours du monde en dix-huit mois. Diplomate jusqu’au bout des ongles (en visite en Polynésie, elle n’oublie pas de porter la perle offerte lors d’un précédent voyage), elle met en place entre l’État et les collectivités territoriales un « contrat de plan » valable cinq ans. Aujourd’hui, Brigitte Girardin revient à l’Afrique par la grande porte, avec une nouvelle politique d’aide au développement qu’elle a dévoilée lors de la conférence des ambassadeurs, le 30 août dernier. Fer de lance de son action, un document cadre de partenariat, directement inspiré du « contrat de plan ». Appliquer à des États souverains et indépendants une politique conçue par la France pour ses propres territoires, n’est-ce pas du néocolonialisme ? Le mot fait bondir la ministre. Et d’expliquer son idée-force : « Mutualiser l’aide avec nos partenaires européens ou avec les institutions internationales pour la rendre plus efficace. »
Elle reprend son sac de voyage pour aller démontrer le bien-fondé de sa méthode. Dès juin, elle est auprès de François Bozizé en Centrafrique, puis en Mauritanie chez le président – aujourd’hui déchu – Maaouiya Ould Taya, puis au Cap-Vert… En septembre, au Bénin, elle visite une manufacture de transformation de produits agricoles dans laquelle ne travaillent que des femmes. Elle y achète quelques pots de confiture et en ressort convaincue que les femmes africaines représentent un facteur déterminant pour sortir le continent de son marasme. Au Niger, elle reste très longtemps à Tilabéri pour parler avec des femmes victimes de la famine, faisant « exploser » le programme des services du protocole. Même chose au Gabon, où elle visite longuement un centre antisida à Libreville. En Haïti, elle rencontre le Premier ministre Gérard Latortue, puis annonce la levée des sanctions européennes et le déblocage d’une enveloppe de 72 millions d’euros par an (contre 36 millions auparavant). Une particularité lie Brigitte Girardin à cette moitié d’île au sombre destin. « Leslie Manigat [qui fut chef de l’État de juin à septembre 1988] a été mon professeur à Sciences-Po », explique-t-elle dans un sourire.
Le culte du résultat ferait-il de Brigitte Girardin une technicienne, plus qu’une politique ? Ce soupçon ne lui plaît pas : « On ne peut plus avoir d’approche unilatérale. Nous avons des comptes à rendre au contribuable. Même si j’ai une approche politique des problèmes, je considère que la technique doit suivre. » On la dit sèche et un peu cassante. Elle préfère mettre ces défauts sur le compte de son « caractère bien trempé », une opinion largement relayée par les membres de son équipe, qui la considèrent « plutôt marrante et sachant galvaniser ses troupes ».
Et sa vie privée, dans tout ça ? Mariée à un financier, la ministre a deux enfants, Vanessa, 15 ans, et Arnaud, 21 ans. Mais son agenda chargé l’empêche de leur consacrer beaucoup de temps. L’avenir ? « La politique africaine de la France ne peut ressembler à ce qu’elle était il y a cinquante ans. Nous devons utiliser le canal multilatéral. Nous serons jugés sur les résultats. »

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