Un succès ichtyologique

Le monde de Nemo, d’Andrew Stanton et Lee Unkrich

Publié le 9 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Un grave danger menace, nous assure-t-on, un joli poisson exotique. Succombant aux demandes pressantes de leurs enfants au sortir des salles de cinéma qui projettent Le Monde de Nemo, les parents se sont mis à acheter des poissons-clowns en si grand nombre que l’espèce est menacée. Partout, dans les Caraïbes comme en Indonésie ou aux Philippines, on pêche ce poisson qui se vend si bien. En attendant, bien entendu, que les acquéreurs se lassent d’entretenir un aquarium et se débarrassent de cet animal dès que leurs rejetons auront oublié le héros du film d’animation qui bat tous les records de recette en cette fin d’année 2003.

Comme les récents remous à la tête des studios Disney aux États-Unis en témoignent, notamment avec la démission controversée de Roy Disney du conseil d’administration de l’entreprise, le plus célèbre poisson « virtuel » de l’heure fait aussi des victimes dans le secteur florissant de l’industrie du cinéma pour les enfants. Car le succès sans précédent du Monde de Nemo, qui a dépassé les Matrix, Terminator et autres Seigneur des Anneaux, marque une étape majeure dans l’évolution de cette branche du septième art. Une évolution entamée avec Toy Story il y a quelques années et qui relègue au grenier les films d’animation d’antan.
Sans entrer dans les détails techniques, disons que les « inventeurs » de Nemo, les animateurs des studios Pixar, dont le patron est le fondateur d’Apple Steve Jobs, ne dessinent plus leurs personnages mais les « créent » par ordinateur. Avec ce passage du 2D (deux dimensions) au 3D, plus question de fabriquer les films dessin par dessin puisque tout est généré et géré par la machine et ses logiciels. D’où la possibilité de multiplier les effets spéciaux tout en réduisant les coûts de production. À tel point qu’il est devenu évident pour tous les spécialistes du genre que, comme le dit Jeffrey Katzenberg, ancien de Disney devenu le boss des studios Dreamworks avec son ami Steven Spielberg, « les histoires traditionnelles racontées par l’animation traditionnelle appartiennent au passé ».

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Et il est bien vrai qu’au-delà de l’aspect écologique ou économique du phénomène Nemo, il est difficile de ne pas être impressionné par la qualité du dernier produit Pixar. L’originalité du scénario de base – l’histoire d’un poisson-lune orphelin de mère, « kidnappé » par un plongeur sous-marin et séquestré dans un aquarium, que son père entreprend de sauver – n’est pas à vrai dire bouleversante. Mais comment ne pas remarquer la beauté des images et la virtuosité de leurs transformations et de leurs mouvements par rapport aux dessins animés « classiques » ? Le cinéma d’animation mérite désormais vraiment son nom.

Quand on ajoute à cela une bonne dose d’humour (la crevette femme de ménage obsessionnelle, le poisson dont les blagues ne font rire que lui, etc.) et des clins d’oeil « socio-psychologiques » post-modernes (les requins qui se repentent de leur cruauté en promettant, à la manière des adeptes des « alcooliques anonymes », de ne plus manger plus petit qu’eux) ou cinéphiliques (l’attaque des mouettes rappelle d’Hitchcock), on réussit à s’attacher non seulement les tout-petits, mais aussi les générations précédentes. La fillette de 5 ans qui avait bien voulu accepter que l’auteur de ces lignes l’accompagne au cinéma a pourtant trouvé qu’il n’était pas très bon public, car il n’avait pas exprimé d’émotions à la hauteur des terribles mésaventures de Nemo.
Peut-être, hasarda-t-elle, n’avait-il pas vraiment tout compris ? Mais nous avons pu nous venger de l’enfant devant ses parents en vantant peu après tout le côté « second degré » de l’oeuvre que les moins de 10 ans n’avaient pu remarquer. Non mais !

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