Côte d’Ivoire : le stade d’Ebimpé, gazon maudit
Il a été inauguré il y a moins d’un an et pourtant, le stade olympique Alassane Ouattara est déjà fermé, à cause de l’état de la pelouse. Que s’est-il passé ?
C’est avec une certaine ironie que le sélectionneur portugais des Lions indomptables du Cameroun, Toni Conceiçao, a résumé le 5 septembre les deux défis auxquels serait confrontée son équipe dès le lendemain : « on va devoir s’adapter à notre adversaire, mais aussi à la pelouse. » Finalement, les Camerounais n’auront réussi à relever ni l’un ni l’autre, puisqu’ils se sont inclinés (1-2) face à la Côte d’Ivoire en match qualificatif pour la Coupe du Monde 2022. Les coaches du Malawi et du Mozambique, les deux prochains adversaires des Éléphants initialement attendus à Abidjan, n’auront pas à se tourmenter avec ce type d’interrogation.
Ces deux matches auront en effet lieu sur terrain neutre : à Cotonou, au Bénin, pour le premier, et dans un lieu qui reste à déterminer pour le second. « Nous avions proposé de jouer à Yamoussoukro, dans un stade qui sera utilisé lors de la CAN 2023, mais la CAF ne l’a pas homologué pour accueillir des matches internationaux », précise Patrice Beaumelle, le sélectionneur français des éléphants. La Fédération ivoirienne de football (FIF) avait étudié plusieurs possibilités (Ghana, Sénégal, Maroc, Togo) pour « recevoir » les Malawites, avant d’obtenir l’accord du Bénin.
« Un risque de blessure évident »
La raison de cette double délocalisation n’est ni la conséquence d’une suspension de terrain ni d’une situation politique tendue interdisant la tenue d’évènements sportifs. Elle est d’ordre purement structurel, puisque le pourtant flambant neuf stade olympique Alassane Ouattara d’Ebimpé (60 000 places), inauguré le 4 octobre 2020, est déjà fermé pour travaux. Si des problèmes ont été constatés dans les vestiaires des joueurs et au niveau de l’électricité, c’est bien la pelouse de l’enceinte qui pose problème.
Dans un état déjà catastrophique avant le match Côte d’Ivoire-Cameroun, elle ne ressemblait plus à grand-chose quelques minutes après le coup d’envoi. « Plus le match avançait, et plus elle se détériorait, c’était très difficile pour les deux sélections, avec un risque de blessure évident pour les joueurs », se souvient Patrice Beaumelle. Face à l’urgence de la situation, le stade a été fermé pour que soient effectués les travaux nécessaires. Et notamment le remplacement de la pelouse, avec l’installation d’une surface hybride.
Une fois que les travaux seront achevés, la Côte d’Ivoire possèdera un stade ultra- moderne, un des plus beaux d’Afrique
C’est une entreprise française, Sparfel, qui a entamé les travaux de réhabilitation. « Le coût sera à la charge de l’État ivoirien, ainsi que ceux concernant les vestiaires et l’électricité, qui seront mis aux normes européennes », explique Mariam Yoda, directrice de l’Office national des Sports (ONS). « Je peux comprendre la déception des supporters et des joueurs de la sélection nationale, laquelle ne pourra pas jouer dans son stade avant l’année prochaine, le temps que les travaux soient terminés. Mais une fois que ceux-ci seront achevés, la Côte d’Ivoire possèdera un stade ultra-moderne, fonctionnel et en parfait état, un de plus beaux d’Afrique. »
Déception et colère
Le stade olympique, d’un coût total de 133 millions d’euros, avait été offert par la Chine, dans le cadre de la coopération sino-ivoirienne. « Rapidement est apparu un problème de drainage de la pelouse, qui provoque une trop longue stagnation de l’eau quand il pleut. D’où la détérioration de la surface de jeu et les fréquentes glissades des joueurs, explique une source au ministère des Sports. C’est évidemment un fâcheux contretemps, qui pénalise la sélection nationale pour les deux matches importants face au Malawi et au Mozambique. » Mais en Côte d’Ivoire, cette situation est jugée anormale, et pas seulement par les nombreux amateurs de football et supporters de la sélection nationale.
Certains estiment que le chef de l’État devrait « taper du poing sur la table »
« Personne ne comprend comment un stade flambant neuf, inauguré il y a moins d’un an, peut être déjà fermé à cause de travaux mal faits, relate le journaliste sportif Clément Diakité. Il y a de la déception et un peu de colère. Les Ivoiriens estiment qu’un pays comme le leur ne devrait pas être dans cette situation. » Et d’exiger, pour certains, que le chef de l’État « tape du poing sur la table, qu’il prenne des sanctions contre ceux qui ont une part de responsabilité dans cette affaire, c’est-à-dire les entreprises qui ont fait certains travaux défectueux, le ministère des Sports et l’Office national de Sports », poursuit le journaliste. Pour l’instant, Alassane Ouattara n’a pas publiquement réagi à la fermeture provisoire du stade qui porte son nom.
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