Radioscopie des Irakiens

Publié le 9 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Ils sont dans l’épreuve depuis plus de huit mois, mais si l’on en croit un sondage d’opinion très sérieux dont les résultats viennent d’être rendus publics, ils pensent comme vous et moi.
Je veux parler des malheureux Irakiens. Voyons si l’occupation militaire et la guerre qu’ils subissent les ont transformés, ce qu’ils en pensent, comment ils jugent leur présent et voient leur avenir.
Une étude menée par l’institut britannique Oxford Research International, et réalisée entre la mi-octobre et la mi-novembre sur tout le territoire irakien auprès de 3 244 personnes âgées de 15 ans et plus, répond à ces questions. Elle est présentée par ses auteurs comme « la première étude nationale vraiment représentative de l’histoire récente » de l’Irak, et cela paraît exact.

Selon cette enquête :
– 56,6 % des Irakiens ne font pas du tout confiance aux forces américaines et britanniques, alors que 22,2 % affirment leur faire très peu confiance. Total : 79 %, soit quatre Irakiens sur cinq. Ceux qui déclarent avoir une « grande » confiance dans les forces occupantes sont seulement 7,6 %.
Vous avez bien lu : quatre Irakiens sur cinq ne font que très peu ou pas du tout confiance aux armées américaine et britannique venues les libérer, qu’ils perçoivent comme des forces d’occupation.
– Interrogés sur la meilleure chose qui leur soit arrivée depuis douze mois, 42,3 % des Irakiens, près de la moitié, citent la chute de Saddam Hussein. Tandis que 35 %, le tiers, citent la guerre, les bombardements et la défaite comme la pire.
Concernant l’avenir, 90,3 % des Irakiens – neuf sur dix ! – se déclarent plus ou moins d’accord avec le fait que l’Irak a besoin de démocratie. Ils sont néanmoins 53,6 % à se prononcer en faveur d’un dirigeant irakien unique, d’un leader fort, et seulement 16,7 % des personnes interrogées estiment que l’Irak a besoin d’un gouvernement de transition parrainé par les Nations unies.
– Pour 94 % des Irakiens, la religion est « une chose très importante » dans leur vie, juste après la famille (98 %) et avant le travail (83 %). Mais une grande majorité d’entre eux (70 %) jugent que la religion est une affaire individuelle et familiale dont le gouvernement n’a pas à se mêler.
– 0,5 % seulement des personnes interrogées répondent qu’un gouvernement islamique serait « la meilleure chose » qui puisse leur arriver dans les douze prochains mois. Une seule personne sur 3 244 répond que « mourir pour l’islam » est son voeu le plus cher.
Cette attitude « laïque » très nettement majoritaire devrait exclure que l’Irak tombe dans les griffes de l’islamisme. Mais les islamistes, comme naguère les communistes, peuvent être minoritaires et s’emparer du pouvoir.
Plus intéressant encore :
– L’écrasante majorité des Irakiens – 95 % – pensent que la démocratie est universelle et rejettent l’idée que la démocratie est un concept occidental « qui ne marchera pas en Irak ». Presque aussi nombreux – 84 % – sont les Irakiens qui jugent que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement, aussi bien pour l’économie que pour le maintien de l’ordre public.

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Les conclusions qu’on peut tirer de cette large consultation nous confortent dans ce que nous pensions :

1. Les Irakiens sont contents d’être libérés de la dictature, mais la lourde occupation militaire qu’ils subissent gâche leur plaisir – et leur vie. Ils aspirent de tout leur être à la démocratie – la vraie -, mais ne se voient pas sur la route qui y mène.

2. Ils sont imprégnés d’islam, mais ne veulent pas d’un gouvernement sous la férule de religieux, pas de république islamique.
Ballottés de Charybde – la dictature – en Scylla – l’occupation étrangère -, les Irakiens cherchent désespérément la voie du salut : comment atteindre les rivages de la démocratie sans se heurter aux récifs de l’islamisme ?

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