Permis de kidnapper

Publié le 5 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Les agents fédéraux américains peuvent-ils, au nom de la lutte contre le terrorisme, s’infiltrer dans un État étranger, kidnapper un suspect et le conduire pour jugement dans leur pays ? La Cour suprême des États-Unis a déclaré, le 1er décembre, qu’elle était en train de statuer sur ce point à la demande de l’administration Bush, qui estime avoir besoin de ce « droit » pour pouvoir venir à bout des terroristes. « En l’état actuel du droit américain, ironise Theodore Olson, avocat général près la Cour suprême, la décision du plus petit tribunal peut, le cas échéant, empêcher les agents fédéraux d’amener Oussama Ben Laden aux États-Unis pour qu’il réponde des charges qui pèsent contre lui dans les attaques du 11 septembre. »
Mais les États-Unis n’ont pas attendu l’arrêt à venir de leur Cour suprême pour se livrer à des kidnappings de « suspects » à l’étranger. En 1990, ils ont enlevé, à Mexico, le médecin Humberto Alvarez-Machain, l’ont gardé dans un hôtel, avant de l’exfiltrer vers le territoire des États-Unis. Après un séjour de deux ans dans une prison fédérale, le Mexicain a été jugé pour son implication présumé dans le meurtre, en 1985, d’un agent antidrogue américain. Puis acquitté pour… insuffisance de preuves. Ce cas, qui a coûté 20 millions de dollars d’amende à l’État américain, illustre les risques de dérives et d’abus si la Cour suprême autorise le kidnapping de suspects à l’étranger. Avocats et militants des droits de l’homme se mobilisent pour s’opposer à cette dangereuse éventualité. L’Union américaine pour la défense des libertés civiles donne de la voix : « L’arrestation clandestine de personnes à l’étranger n’a rien à voir avec le combat contre la terreur et n’a jamais été autorisée par le Congrès américain. » Une telle mesure serait même contraire aux règles de droit international énoncées dans la Charte de l’Organisation des Nations unies. Le principe de l’égale souveraineté des États donne à chacun d’entre eux le monopole de la poursuite et de la sanction sur son territoire. Tout pays est en outre prioritaire pour juger ses ressortissants. La lutte contre le terrorisme ne saurait abolir la démarche légale imposée à tout État qui veut poursuivre une personne se trouvant à l’étranger : la demande d’extradition.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires