On efface tout ?

Difficiles depuis trente ans, les relations entre les deux pays connaissent une spectaculaire embellie. Le pétrole n’y est sans doute pas tout à fait étranger !

Publié le 5 décembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Teodoro Obiang Nguema est satisfait : l’embellie avec l’Espagne qu’il attendait depuis si longtemps est enfin là. Les choses ont même tendance à se précipiter. Quinze jours après la venue à Malabo d’Ana Pastor, la ministre espagnole de la Santé, Ana Palacio, sa collègue des Affaires étrangères, a fait, à son tour, le déplacement (21-23 novembre).
Pour bien souligner l’importance de l’événement (le dernier voyage d’un chef de la diplomatie ibérique remonte à 1987), le président équatoguinéen a remis à Palacio et à Ramon Gil Casares, son secrétaire d’État, la plus haute distinction nationale : la grand-croix de l’Indépendance. Et il a une nouvelle fois invité le président du gouvernement espagnol à se rendre en Guinée équatoriale. Les journaux madrilènes soulignent qu’en dépit de difficultés persistantes, cette éventualité n’est désormais plus à écarter.
José María Aznar se rendra-t-il en visite officielle à Malabo, au mois de mars ? Pour Obiang Nguema, ce serait une véritable consécration internationale. Car l’Espagne n’est pas seulement l’ancienne puissance coloniale, elle est aussi le pays qui a officiellement émis les plus sérieuses réserves quant à la réalité du processus démocratique en cours. À d’innombrables reprises, elle a été amenée à alerter les autorités locales sur les violations des droits de l’homme et les entorses à la liberté d’expression constatées dans le pays. Et elle a accueilli chez elle une (grande) partie de l’opposition en exil. En octobre 2002, Aznar aurait même conditionné la présence de Gil Casares aux cérémonies d’investiture du président réélu à une promesse de libération de deux responsables de l’opposition : Fabian Nsue et Placido Mico. Si le premier est effectivement sorti de prison quelques jours après la prestation de serment, le second n’a recouvré la liberté qu’au mois d’août dernier.
C’est en 1993 que la tension entre les deux pays a atteint son point culminant. À l’expulsion de son consul à Bata (accusé d’« ingérence dans les affaires intérieures »), Madrid a en effet répondu par celle d’un diplomate équatoguinéen, mais aussi par la réduction de moitié de son aide financière et par l’interruption de son programme d’assistance aux organismes officiels de son partenaire.
En mai 2002, après la condamnation à de lourdes peines d’emprisonnement, sans garanties juridiques suffisantes, d’une vingtaine de personnes accusées d’avoir préparé un coup d’État, on a une nouvelle fois frôlé la crise. Pourtant, en dépit de cette poussée de fièvre, il est apparu qu’Aznar n’avait pas renoncé à améliorer progressivement ses relations avec Malabo. Une stratégie clairement affichée un an auparavant, en mars 2001, lors de la réception d’Obiang Nguema au palais de la Moncloa, à Madrid. Lors de cette rencontre, plusieurs projets avaient été mis au point, notamment un Accord de promotion et de protection réciproque des investissements (APRI), au bas duquel Palacio a apposé sa signature le 22 novembre à Malabo, à côté de celle de son homologue, Pastor Micha.
L’autre protocole finalisé à cette occasion concerne la conversion de la dette équatoguinéenne, soit en investissements privés, afin d’attirer les entreprises espagnoles, soit en investissements publics, pour faciliter la mise à niveau des infrastructures. De nombreuses entreprises espagnoles ont d’ores et déjà manifesté le souhait de bénéficier de cet accord en vue de leur future implantation dans le nouvel « émirat » pétrolier. De son côté, le gouvernement de Malabo envisage d’utiliser ces facilités pour financer certains projets, notamment l’équipement de la Radiotélévision nationale (dont le réseau ne couvre encore qu’une partie du territoire).
Bien sûr, tout est conditionné à la poursuite de la « transformation démocratique » en cours. C’est bien un « dialogue critique » que Madrid entend désormais poursuivre avec son ancienne colonie. Pour que les choses soient bien claires, Palacio a d’ailleurs tenu à rencontrer Placido Mico. Au cours de cet entretien, l’opposant aurait sollicité la médiation de l’Espagne pour que les élections législatives de 2004 se déroulent dans la transparence et le respect des règles démocratiques. De fait, le scrutin est considéré par la communauté internationale comme un test de la volonté d’ouverture des autorités équatoguinéennes.
Il y a un an, à Malabo, Gil Casares nous expliquait que « l’Espagne a commis l’erreur de traiter la Guinée équatoriale comme un pays latino-américain. Mieux aurait valu accompagner le mouvement, comme le fait la France dans la région ». À l’évidence, le message de ce fin connaisseur des subtilités locales a été entendu en haut lieu.
L’heure est donc aux retrouvailles. Interrogée par la presse locale sur l’éventuelle venue de José María Aznar à Malabo, Palacio a répondu que, dans « la nouvelle étape du dialogue entre les deux pays », ce serait « la cerise sur le gâteau ». Cerise ou non, le gâteau est bel et bien là. Personne ne doute plus de la volonté de Madrid de resserrer ses liens avec un pays qui, chaque jour, produit 300 000 barils de pétrole.
D’autant que cette production augmenterait encore dans l’hypothèse où la Guinée équatoriale obtiendrait satisfaction dans le différend qui l’oppose au Gabon à propos de l’îlot de Mbagné. Si l’appartenance de ce minuscule bout de terre de 30 ha situé au nord de la capitale gabonaise et au sud-est de la partie continentale de la Guinée équatoriale est incertaine, la richesse en hydrocarbures de ses eaux territoriales ne l’est pas. Il se trouve que l’Espagne continue d’être tenue à l’écart de la manne pétrolière équatoguinéenne. Est-ce pour remédier à cette situation qu’Ana Palacio a tenu à rappeler que « selon les documents dont nous disposons, Mbagné appartient à la Guinée équatoriale ». Dans ce genre d’affaire, il est rare qu’un État prenne aussi explicitement position…

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