Mohamed el-Yazghi

Premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (Maroc)

Publié le 5 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

On l’appelait avec un brin d’ironie « l’éternel second ». Mais, après la démission surprise d’Abderrahmane Youssoufi, le 28 octobre dernier, Mohamed el-Yazghi a tenté sa chance. Bien lui en a pris. Un mois plus tard, il a été élu Premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) à l’unanimité des membres du bureau politique. À 68 ans, ce brillant avocat, ancien élève de l’ENA à Paris, devient l’un des hommes clés de la transition démocratique. Nul doute qu’au prochain remaniement cet homme au franc-parler ne restera pas simple ministre de l’Environnement.

Jeune Afrique/L’intelligent : Après le départ d’Abderrahmane Youssoufi, souhaitez-vous une gestion moins autoritaire de l’USFP ?
Mohamed el-Yazghi : Certainement. Il faut mettre fin à la pratique du consensus et introduire le débat dans nos instances. Nous devons aussi établir des passerelles avec toutes les forces de gauche. Des militants du syndicat CDT (Confédération démocratique du travail) nous ont quittés, mais nous ne les avons jamais exclus. Ils peuvent toujours revenir. Je ne suis pas un Premier secrétaire de transition avant le congrès de l’année prochaine. Je suis un Premier secrétaire pour un nouveau programme et un nouvel élan. Mais le congrès sera souverain. C’est lui qui choisira les membres de la direction du parti.
J.A.I. : Certains militants ne préfèrent-ils pas Abdelouahed Radi à la tête du parti, parce qu’il a de meilleures relations que vous avec le Palais royal depuis l’époque de Hassan II ?
M.E.Y. : D’abord, Abdelouahed Radi ne s’est pas présenté contre moi au poste de Premier secrétaire. Ensuite, je n’ai jamais eu de mauvaises relations avec le Palais. Cela dit, il est vrai qu’elles sont meilleures avec Sa Majesté Mohammed VI parce qu’il a fait le choix d’une société démocratique et moderne. Le champ des libertés individuelles s’est élargi. Le statut de la famille vient d’être réformé. Et c’est précisément ce pour quoi l’USFP se battait depuis plus de trente ans.
J.A.I. : Allez-vous rester dans la majorité gouvernementale ?
M.E.Y. : Absolument. D’ailleurs, l’USFP ne demande pas de remaniement. Nous allons même faire en sorte de consolider cette majorité. Pour nous, le Bloc démocratique – avec notamment l’Istiqlal et le Mouvement populaire – est toujours la bonne ossature pour soutenir l’élan réformateur et faire face aux deux dangers qui nous menacent : le terrorisme, qui veut détruire l’État et la démocratie, et l’argent sale manipulé par des élus véreux.
J.A.I. : Les islamistes du PJD [Parti de la justice et du développement] ont-ils une responsabilité morale dans les attentats du 16 mai dernier ?
M.E.Y. : Avant les attentats, leur discours était radical et donc inacceptable. Depuis, ils ont beaucoup évolué, aussi bien dans leur ton que dans leurs attaques. Nous n’avons jamais réclamé l’interdiction du PJD, mais nous lui avons demandé de présenter ses excuses au peuple marocain. Il ne l’a pas fait formellement, mais il a fait son autocritique, il a changé son chef de groupe parlementaire et a enregistré certaines démissions.
J.A.I. : Ne risquez-vous pas d’être discrédité à cause de votre participation au gouvernement ?
M.E.Y. : Pas du tout. Je sais qu’on a beaucoup parlé d’usure quand nous dirigions le gouvernement. Mais aux législatives de l’an dernier, alors que tout le monde s’attendait à un échec, l’USFP est devenue le premier parti du pays. Et cette année, aux élections locales, nous sommes arrivés deuxièmes en nombre de conseillers élus et premiers en nombre de communes administrées. Bien entendu, il y a le problème des six grandes villes dont nous n’avons pas réussi à gagner les mairies. Mais les alliances locales ont mal fonctionné. À Rabat, par exemple, nous sommes arrivés en tête, mais malheureusement nous n’avons pas pu nous entendre avec nos alliés de l’Istiqlal.
J.A.I. : Le PJD ne vous a-t-il pas pris des voix ?
M.E.Y. : Non. Le PJD n’a eu des élus que dans trois communes. Ses résultats sont très modestes. Je sais que, par souci tactique, il n’a pas présenté de candidats dans toutes les circonscriptions. Mais je me demande ce qu’il va dire dans quatre ans quand il décidera de se présenter partout. Il faudra bien qu’il s’explique.
J.A.I. : Que pensez-vous du dernier plan Baker sur le Sahara ?
M.E.Y. : Nous le refusons. C’est un retour en arrière absolument inadmissible par rapport au premier plan Baker. Pas seulement parce qu’il propose un référendum, mais aussi parce qu’il installe des structures au Sahara qui ne peuvent aboutir qu’à la partition.

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