Madagascar d’aujourd’hui et d’antan

Publié le 9 décembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Novembre-décembre est assurément la période idéale pour faire escale à Madagascar. À l’ombre des jacarandas en fleur, les habitants d’Antananarivo ont déjà oublié les rigueurs de l’hiver austral. Il est fréquent, au mois de juillet, que les hautes terres malgaches (culminant à plus de 1 000 mètres d’altitude) se couvrent de gelée blanche au petit matin. Mais le froid n’est plus qu’un lointain souvenir et Tana retrouve alors une chaleur toute tropicale. En attendant le retour de la saison des pluies, et son cortège de cyclones, les Malgaches profitent de ce répit pour préparer les fêtes de fin d’année. Avec les moyens du bord.

Si Madagascar va mieux, les Malgaches, eux, attendent toujours des lendemains meilleurs. Sans pour autant se plaindre de leurs dirigeants, bien au contraire. Dans la région des hauts plateaux, où se trouve la capitale, le président Marc Ravalomanana est une star. Self-made man intrépide ayant fait fortune dans l’industrie laitière, ce chef d’entreprise parti de rien a conquis le coeur de ses électeurs comme il a conquis le pouvoir : à la hussarde. À l’issue de la crise électorale qu’a connue le pays entre janvier et juillet 2002, ce quinquagénaire, plus versé dans le marketing commercial que dans les manoeuvres politiciennes, est devenu chef de l’État. Contraignant l’Amiral Didier Ratsiraka, tenant du titre pendant plus de vingt ans, à prendre le chemin de l’exil.
Aujourd’hui, ce président issu du peuple vit et travaille à Tana, au milieu des siens. Dans les échoppes et sur les murs, ses portraits s’affichent un peu partout. Artisans et commerçants, étudiants et fonctionnaires, chacun se félicite de sa victoire. Et le score réalisé par son poulain, Patrick Ramiaramanana, élu maire de la capitale le 23 novembre avec 81 % des voix, vient confirmer, s’il en était besoin, sa popularité à Tana, où vivent 2 millions d’habitants.
Outre ses origines modestes, Ravalomanana a le mérite d’être actif. « Contrairement à ses prédécesseurs, il fait des choses », répètent ses partisans. Soutenu par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, le nouveau gouvernement a en effet lancé de vastes chantiers d’infrastructures, notamment la réhabilitation des routes. Et la population y est sensible : dans un pays grand comme la France et le Benelux réunis, l’enclavement est ressenti comme une fatalité. Mais en faisant de ce chantier l’une de ses priorités, le chef de l’État a trouvé de quoi soigner sa cote de popularité.
En attendant l’achèvement de ces travaux, la circulation à Antananarivo reste problématique. Dès 8 heures du matin, les embouteillages se forment, les gaz d’échappement saturent l’atmosphère, et les vieilles guimbardes peinent à gravir les rues pavées qui courent à flanc de colline. Il est d’ailleurs fréquent que des chauffeurs de taxi refusent une course, selon la topographie du lieu où le client souhaite se rendre. Difficile, par exemple, de monter jusque sur les hauteurs de la ville, que surplombe le Palais de la reine. La souveraine Ranavalona III, exilée en Algérie par le colonisateur français à la fin du XIXe siècle, est à ce jour un motif de fierté nationale. Et sa résidence de l’époque, bien que ravagée par un incendie en 1995, demeure un lieu de promenade dominicale pour les habitants de la vieille ville. D’ailleurs, l’Histoire a aujourd’hui pris sa revanche : le bureau qu’occupa jadis le général Gallieni, au palais d’Ambohitsorohitra, est aujourd’hui celui de Ravalomanana.
Parmi les mesures prises par le chef de l’État au cours des premiers mois de son mandat, l’abandon du franc malgache n’est pas passée inaperçue. Le retour à l’ariary, monnaie traditionnelle utilisée avant la colonisation, a permis de se libérer de cette référence persistante à la tutelle française. Et si le président de la République nie avoir voulu flatter la fibre nationaliste de ses électeurs, les Malgaches, eux, en retirent une certaine fierté. Mais leur pouvoir d’achat n’en a pas été amélioré pour autant. Si l’état du parc automobile reflète les difficultés financières des ménages malgaches, d’autres indices viennent corroborer cette impression. Ici, comme ailleurs en Afrique, le téléphone cellulaire fait fureur. Mais le coût d’une carte SIM est cinq à dix fois moindre qu’à Dakar ou Libreville.
Terminus géographique des circuits commerciaux internationaux, Madagascar est située « en bout de piste », et les produits importés sont hors de prix. Heureusement, les habitants produisent la majorité de ce qu’ils consomment, à commencer par le riz, dont les plantations occupent chaque mètre carré disponible, à la périphérie de la capitale.
Mais la Grande Île, éloignée de tout, a plus que jamais besoin de s’ouvrir sur le monde. Le potentiel touristique demeure largement inexploité, les infrastructures d’accueil n’étant pas à la hauteur des standards internationaux. Pourtant, le pays recèle des richesses qui en assurent d’emblée la promotion. Des lémuriens d’Andasibé, aux baleines de Sainte-Marie en passant par les plages paradisiaques de Nosy Be, les arguments de vente ne manquent pas.

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Victime du carcan de son insularité, Madagascar a la chance de nourrir un véritable sentiment d’appartenance nationale. En contrepartie, les autorités se montrent souvent frileuses vis-à-vis de l’extérieur. Désireux de promouvoir l’investissement étranger pour accélérer le développement du pays, le président Ravalomanana a défendu en août dernier une loi permettant aux opérateurs internationaux d’accéder, sous conditions, à la propriété foncière. La mesure a suscité un débat très vif, ses détracteurs accusant le chef de l’État de brader la « terre des ancêtres ». Certains ont même parlé de « sacrilège », rappelant au passage que, le 12 mai 1863, le roi Radama II a été étranglé dans un couloir de son palais pour avoir transgressé cette règle divine. Comme quoi les Malgaches restent très férus de leur Histoire…

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