Imaginez un peu…

Publié le 5 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

L’Accord de Genève a été négocié par d’anciens ministres israélien et palestinien, Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo. Il n’a, bien entendu, aucun caractère officiel. Mais le fait même qu’il ait été dénoncé dès sa signature par les durs des deux bords démontre le pouvoir d’une idée. Imaginer ce que pourrait être la paix est une forme de provocation.
Karl Marx a dit un jour que la religion était l’opium du peuple : peut-être pourrait-on en dire autant de la diplomatie. Un processus de paix en cours encourage les gens à penser qu’il existe une autre possibilité que l’état de guerre. Il évoque un avenir où les choses seront différentes. Il donne du poids à ceux qui veulent changer la situation actuelle.
Le tout dernier à prendre conscience de la valeur de l’évocation de la paix est le jeune président syrien, Bachar el-Assad. Dans une interview au New York Times, il invite l’administration Bush à relancer un processus de paix israélo-syrien. Un ballon d’essai qui vient tout à fait à son heure. Assad sait que l’administration Bush et le gouvernement Sharon ont le plus grand besoin de détourner l’attention des problèmes qu’ils connaissent dans les territoires occupés par les États-Unis et par Israël. Et il sait que son père Hafez el-Assad a gardé le pouvoir pendant trois décennies, en partie grâce à un processus de paix permanent – qui n’a jamais vraiment abouti à un traité de paix, mais qui n’a jamais non plus débouché sur la guerre.
L’accord imaginé à Genève par les Israéliens et les Palestiniens est aussi détaillé qu’un véritable traité de paix. Mieux, les « négociateurs » ont proposé des solutions aux problèmes qui ont fait capoter toutes les négociations précédentes – la souveraineté sur Jérusalem, le droit au retour des réfugiés palestiniens – et proposé de créer une force multinationale qui garantirait la sécurité des deux parties.
Les critiques peuvent dire que ces dispositions illusoires ne font que renforcer l’absurdité de l’Accord de Genève. Mais le même reproche pourrait être fait à toute initiative pour parler de paix en temps de guerre. En envoyant un exemplaire à tous les foyers israéliens et palestiniens, les signataires de l’Accord ont donné l’occasion aux citoyens des deux bords d’imaginer un avenir différent. C’est déjà énorme.
La notion de compromis qui est à la base de l’Accord est dérangeante pour ceux qui croient qu’ils peuvent tout avoir. Elle est dérangeante pour Sharon qui a promis que ses méthodes brutales apporteraient la sécurité que réclament les Israéliens. Elle est dérangeante pour les activistes islamistes qui prétendent que les attentats suicide finiront par obliger Israël à capituler.
Mais la véritable illusion du conflit israélo-palestinien est l’idée de victoire. De victoire, il ne saurait être question, quel que soit le nombre d’attentats suicide ou de destructions de maison. À l’opposé, l’idée d’une paix négociée devrait sembler réalisable. J’imagine volontiers, ces jours-ci, des Israéliens et des Palestiniens assis tranquillement chez eux, et se disant : « Peut-être que ce n’est pas impossible, après tout. »
C’est la vraie valeur de cet Accord de Genève : il fait apparaître la possibilité de la paix comme aussi réelle, pour un instant, que l’état de guerre actuel. Imaginez un peu…

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