Humble parmi les humbles

À 82 ans, l’auteur de « La Question », Henri Alleg, se souvient de l’Algérie et de ses combats. Avec lucidité.

Publié le 5 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Cheveux roux, lunettes de vue, juste un peu plus grand que Napoléon, Henri Alleg est le premier torturé à avoir révélé les pratiques de l’armée française en Algérie. Auteur de La Question, livre publié en pleine guerre d’Algérie aux Éditions de Minuit, il incarne, avant tout, un journal mythique des années 1950 : Alger républicain. Aujourd’hui, âgé de 82 ans, Alleg se souvient très bien de tout. « J’ai vécu en Algérie la partie la plus active et la plus exaltante de ma vie. » C’est ainsi qu’il résume vingt-cinq années passées dans ce pays au temps de l’occupation française. Né Harry Salem le 20 juillet 1921, à Londres, il est le petit-fils de juifs d’origine russe et polonaise émigrés en Angleterre. Ses parents ont émigré, à leur tour, en France. Il obtient son baccalauréat à Paris et entame des études de lettres à la Sorbonne, qu’il interrompt pour entreprendre un voyage en bateau autour du monde. Sa première escale est Alger, en 1939 : il va y rester. Antivichyste, il intègre le Parti communiste algérien clandestin. En 1946, il se marie avec une Algérienne d’origine judéo-espagnole. Adhérant au courant multiethnique et anticolonial, il devient l’un des leaders du Parti communiste algérien et de l’Union de la jeunesse démocratique algérienne. De 1950 à 1955, il est le directeur de l’Alger républicain, le seul quotidien qui lutte pour une Algérie libre et sociale, où les communautés minoritaires judéo-européennes auraient aussi leur place. Mais le journal est interdit en septembre 1955. Henri Alleg passe alors dans la clandestinité pour échapper à la réclusion, qui guette aussi ses collègues. Le 12 juin 1957, arrêté par les parachutistes du général Massu, il est séquestré pendant un mois à El-Biar, dans la banlieue d’Alger, puis transféré à la prison Barberousse d’Alger, où il écrit La Question. Édité en 1958, son livre dénonce la torture dont il a été victime. Best-seller traduit dans plusieurs langues, cet ouvrage a fait avancer le combat algérien dans le monde. « Toute cette période a été pour nous un moment de lutte, se souvient-il avec émotion. Notre ambition n’était pas seulement de mettre un terme à la colonisation mais aussi de faire de l’Algérie un modèle de développement pour l’Afrique. Un pays qui retrouverait à la fois sa souveraineté et qui donnerait à ses enfants les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ce n’est pas l’Algérie d’aujourd’hui que j’imaginais avec les très riches et les très pauvres. L’intolérance et l’intégrisme… »
Condamné à dix ans de prison par le tribunal militaire d’Alger, il purge trois ans à Alger et près de deux ans à Rennes, avant de s’évader en octobre 1961. Il rentre à Alger juste après l’indépendance et relance l’Alger républicain, qui disparaîtra quelques années plus tard. Rentré à Paris en 1965, il dirigera dans les années 1980 la rédaction d’un ouvrage en trois tomes sur la guerre d’Algérie. Aujourd’hui, dans le documentaire Un rêve algérien, il retourne sur les traces de son histoire.

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