Générique de fin pour les génériques ?

Publié le 5 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

« Nous bataillons au niveau de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour obtenir des règles correctes alors que les États-Unis se rabattent sur le bilatéral pour imposer des standards encore plus contraignants. » C’est ainsi que Gaëlle Krikorian, d’Act-Up, résume la situation qui tourmente les acteurs de la santé au Maroc. Depuis janvier 2003, Rabat négocie les termes d’un accord de libre-échange avec les États-Unis. Parmi les points d’achoppement, la propriété intellectuelle, et, de fait, la question des brevets, si sensible dans l’industrie pharmaceutique. Depuis le 30 août, et la signature d’un compromis à l’OMC, les pays en développement ont obtenu l’autorisation, certes au prix de démarches contraignantes, d’importer ou de fabriquer des médicaments génériques. Mais cet accord bilatéral pourrait remettre en question cette possibilité. Un recul d’autant plus frappant que le Maroc avait su se prémunir contre l’invasion des grands laboratoires. Il ne leur était en effet pas possible de diffuser des médicaments dans le royaume chérifien s’ils n’étaient pas installés dans le pays. Face à la puissance de l’industrie pharmaceutique, cette situation était toutefois difficile à tenir. Désormais, « d’ici cinq à dix ans », selon l’Association marocaine de lutte contre le sida (ALCS), l’industrie locale de génériques n’existera plus. Car les termes de l’accord ne font pas qu’appliquer la règle standard des vingt ans. Ils stipuleraient, en outre, une extension de cinq ans de la validité des brevets, puis une seconde prolongation de trois ans fondée sur la mise en évidence d’une nouvelle indication thérapeutique du médicament. Enfin, des extensions potentielles sont envisageables selon un modèle existant dans les pays du Nord : les industriels peuvent demander un allongement correspondant à la période entre laquelle ils ont déposé le brevet et celle où le médicament a été prêt à être mis sur le marché. Ce qui équivaudrait encore à quelques années. Bref, au Maroc, il devrait bientôt être impossible pour les fabricants de génériques de copier une molécule et de la vendre avant trente ans. En termes de chiffre d’affaires, l’industrie marocaine des génériques est la deuxième du continent, derrière l’Afrique du Sud. Alors qu’elle doit sans cesse consentir de nouveaux investissements, sa croissance, au regard des clauses de l’accord, devrait stagner, voire chuter. Mais les principales victimes de cette protection accrue des molécules seront les ménages, qui consacrent 37 % de leurs dépenses de santé aux médicaments, dont seul 11,6 % du coût est pris en charge par les assurances maladie, pour ceux qui en disposent (16 % de la population). Même si l’accord n’est pas encore signé, il est intéressant d’imaginer à quels obstacles le système sanitaire marocain devra faire face. Selon l’ALCS, les hôpitaux utilisent 70 % de génériques. Qu’il faudra certainement remplacer, au moins en partie. Cela aura un coût.

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